Le titre peut paraître étrange, d’autant qu’il existe déjà une immense littérature sur le sujet ; mais nombreux sont les articles qui parlent d’un état de maladie qui permet de se lever et de faire du yoga. Et nombreux, parmi ces articles, sont ceux qui limitent le yoga au seul corps physique ou presque.
Or, dans cet article, je voudrais parler d’un état de maladie temporaire, qui peut même être long, et qui empêche complètement de se lever ; dans lequel le corps doit renoncer à toute activité physique comme une pneumonie par exemple. Cela veut dire qu’il faut complètement changer sa pratique.
Cet article n’a d’autre but que de vous rendre créatif, tout en donnant du sens à ce que vous choisirez de faire si un jour, vous êtes dans l’incapacité de faire du yoga pendant 3 semaines, un mois, ou plus.
Si on ne peut plus pratiquer les asanas, qui, comme expliqué dans d’autres articles, ne se limitent pas au corps physique mais concernent l’ensemble des trois corps physique, mental et énergétique, est-ce que cela à encore un sens de « faire du yoga » ? La réponse est oui, sauf si votre yoga est purement physique et n’englobe pas les différents corps qui nous composent.
Comment cela ?
Je l’affirme, sans asanas, on peut continuer à faire du yoga autrement en attendant que le corps physique puisse de nouveau quitter le lit, se lever, et se mettre au moins en position assise.
Voici quelques idées pour prendre des chemins de traverse qui vous permettront de garder le fil avec votre pratique. Il y a toujours la possibilité de faire allongé des mudras, du pranayama, de la concentration, du nidra.
« Faire du pranayama dans lit, allongé et fiévreux ? Mais c’est ridicule ! »
Nadishodana, on y revient toujours !
Le premier pranayama que l’on apprend quand on commence le yoga est nadishodana – de nadI नदी rivière, associé à शोधन Śodhana, mot qui désigne une technique de purification. Sur le net, il est décliné à toutes les sauces. J’en rappelle la technique de base (conformément à l’école de yoga à laquelle se rattache celui que je transmets) dans un article.
Ce pranayama se pratique « traditionnellement » sur 23 minutes, c'est-à-dire un ghaṭikā घाटिका qui étymologiquement désigne un pot à eau qui se remplit en à peu près 23 minutes ; c’est notre ancienne clepsydre. Mais quand on débute, on y va progressivement, jusqu’à adopter le rythme 1 4 2 pendant une dizaine de minutes : par exemple 4 temps d’inspir, 16 de rétentions, 8 d’expir, en laissant de la place pour une petite tenue à vide et à plein ; les temps – mAtrA en sanskrit मात्रा - correspondent grosso modo à 1,3/ 1,7 secondes. Ils sont propres à chacun. Avec de la patience et du temps, la pratique s’allonge d’elle-même.
Il est préconisé quand on s’engage dans une sādhana सधन - pratique spirituelle personnelle - d’accorder beaucoup de temps à cette pratique ; et les premières années, on recommande de la faire régulièrement, même en dehors d’une pratique de yoga.
Par la suite, après quelques années de pratique, il est bon de revenir régulièrement à cette technique, sur une période courte ou longue ; par exemple, on pourra ne faire que ce pranayama, (on met tout le reste de côté) mais au moins 1 heure à 1h30/2 heures par jour, en plusieurs fois si nécessaire. Pourquoi ? Parce que c’est lui qui assure l’équilibre des canaux ida et pingala et la bonne circulation du prana dans ces canaux. C’est vraiment l’outil indispensable, pour permettre à l’énergie de bien circuler.
C’est donc un pranayama à garder, vous l’aurez compris, celui qui purifie, fait circuler prana, et met en relation les trois corps ; Vous m’objecterez : « ah oui, parce qu’en état malade, alité, on va faire 20 minutes de nadishodana ? Du délire !
- On va adapter
- Ahaha, je vous tiens, répondez-vous, narquois ; vous avez toujours dit qu’il ne fallait pas adapter, que cela dénaturait les pratiques.
- Mais il y a des cas de forces majeures et il est temps de dire comment s’y prendre.
- Pas convaincu : ou on fait du yoga, ou on n ;en fait pas.
- En attendant de se rétablir, mieux vaut un peu que rien du tout, n’est ce pas ?
- Bon, on vous écoute mais, pour l’instant, on n’est pas du tout convaincu !
Quelques idées
Dans le cadre de notre pratique dans la maladie, s’il est absolument impossible de s’asseoir, on se mettra en śavāsana शवासन dans son lit. Et, comme lorsque l’on pratique le nidra, on fera un petit rituel, en se reliant au divin, au cosmos, à ce qui compte pour soi ; on suit les souffles dans l’axe, en entendant Ham Sa, on offre sa pratique, et on prend un temps pour se visualiser dans son espace de pratique, comme si le corps était sur son tapis de yoga. Il y a double visualisation, l’axe et soi ou le clone dans son espace de pratique.
Ensuite, par la seule concentration, on va pratiquer, sans boucher les narines, nadI Śodhana, en installant si on le peut kechari et मूलबन्ध Mūla bandha ; il faut vraiment visualiser la structure énergique et le prana qui circule dans les nadis. On fait au mieux. 5 minutes par ci, 5 minutes par là, suivant ce qu’il est possible de faire. On essaie de garder un rythme, même très modeste ( 2 8 4 ) on le répète plusieurs fois dans la journée. Et surtout on visualise à fond les nadis Ida Pingala, la structure énergétique, le prana, la lumière, tout en entendant les mantras ( IAM RAM OM)
Si le corps peut se mettre en position semi-assise, bien calé sur les oreillers, on fera la même chose, et si on n’est capable de prendre la gestuelle, on n’hésite pas.
Dans le cas d’un nez complètement bouché, ou de gorge irritée, de toux, on se contentera de se visualiser en nidra faisant nadI Śodhana , jusqu’à ce qu’il soit de nouveau possible de faire la technique décrite ci-dessus même très très modestement, il ne faut pas négliger le pouvoir de la visualisation associé à une forte concentration + l’écoute intérieure + se relier au Divin en soi et autour de soi.
Ensuite, on reste bien en śavāsana et on fera allongé une technique de concentration ; on a que l’embarras du choix : Hridaya adapté par exemple, en écoutant Ham Sa au fil du souffle, en visualisant le trajet des mantras ; le neti neti ; faire sonner intérieurement les bijas des cakras associés au souffle : le cakra tourne dans un sens à l’inspir, puis dans l’autre à l’expir et on monte de centre en centre ; c’est là qu’on peut être créatif.
Indépendamment de cette pratique, on peut aussi mettre en place au cours de la journée ou de la nuit si on se réveille, un processus de guérison via le nidra. Il existe de nombreuses techniques. On peut utiliser le clone, par exemple. Même si la guérison physique est longue à venir, ces techniques répétées sur quelques minutes tous les jours, et peut-être plusieurs fois par jour, vont avoir une incidence sur l’ensemble des trois corps ; quelque chose est activité, le malade ne « subit » plus sa maladie. Il accompagne consciemment cet état. Il met en place quelque chose de lumineux qui le sort de sa condition de malade.
Ce ne sera pas ni miraculeux, ni rapide, ni rien. Mais en étant conscient, actif dans l’inaction (faire en laissant faire) en gardant le lien avec le cosmos ou son iṣṭa-devatā préféré, il continuera, modestement, sa pratique de yoga, et la saveur du monde lui parviendra et lui apportera beaucoup de paix.
Ces quelques idées vous permettront, je l'espère, de trouver comment faire pour ne pas arrêter votre pratique si un jour vous êtes malade pour un long moment.
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En complément :
Nadishodana en version de base