Hamsa upanisad
Voici la Hamsa upanisad, dans la traduction de Jean Varenne, avec les commentaires que j'ai rédigés.
Ham Sa, c’est à la fois le mantra naturel du souffle, et aussi le cygne, monture de Brahmâ. Il y a donc un jeu sur la double signification du mot. En sanskrit cela signifie Je suis lui ce qui se prononce SO HAM qui par le jeu du sandhi devient HAMSA, le cygne. Je laisse donc le HamSa ou SO HAM dans sa forme sanskrite dans ce texte, contrairement aux traductions de Jean Varenne qui traduit par « oiseau migrateur » ce qui fausse le double sens de ce mot. Mes commentaires ne sont qu’un point de départ à votre réflexion que guidera votre intuition.
Gautama est un personnage lambda auquel s’adresse Shiva. On suppose donc que cet upanisad est reçu par la Shruti, c'est-à-dire que c’est une connaissance « révélée ». Nombreux textes indiens auraient été écrits sous la dictée des dieux. Il faut bien sûr y voir là non une mystification, mais au contraire un ensemble de textes rédigés par des êtres complètement réalisés.
Le Sage Gautama, s’approchant du seigneur, lui demanda :
1. Toi qui connais toutes les lois, toi qui sais toutes les sciences, dis-moi, Seigneur Siva, comment éveiller l’esprit à la connaissance du brahman.
Commentaire
Pour loi, il faut se référer au mot sanskrit Dharma. Le dharma est plus un « ordre cosmique » qu’une loi humaine. Pour sciences, c’est le mot Vidya, qui est une connaissance acquise, un savoir, un enseignement ; le mot sanskrit Shastras qui signifie un traité qui contient le savoir et auquel on se réfère sans cesse. Connaissance du Brahma donne en sanskrit le mot : Brahma+ vidya
A quoi Siva répondit :
2. Apprends d’abord les lois, assimile à fond l’enseignement du Seigneur à
Commentaire : La déesse de Shiva est Parvati, la parèdre de Shiva. Le seigneur à
3 Cette vérité est secrète, on ne doit pas la divulguer ; je la réserve à l’adepte parfait, dont le yoga fait un écrin digne des joyaux les plus beaux. Elle est la connaissance vraie de SO-Ham et par elle on obtient d’être libre à jamais.
Commentaire : Toujours cette importance de garder secret un enseignement ; pour la simple raison que celui-ci perd de son efficacité si l’on en parle et aussi parce qu’il faut vraiment s’engager dans la voie du yoga pour comprendre au-delà du mental cet enseignement qui purement écrit et non mis en pratique ne présente aucun intérêt. Les upanisad restent des sortes d’aide-mémoire dans lequel tout n’est pas dit.
SoHam est Ham Sa par le jeu du sandhi, (règle de sonorité dans le sanskrit) le A avant le H devient un O. Cela signifie « je suis lui » ; c'est-à-dire que le yogi s’identifie au Soi, au tout, au brahman.
4 Je vais donc te dire ce qu’est cette doctrine et ce qu’est le HamSa et la paraHamsa puisque tu es un novice maître de soi et voué à l’étude. L’enseignement est qu’il faut méditer encore et encore sur l’Oiseau en répétant sans cesse Ham Sa Ham Sa.
Commentaire
Le souffle, symbolisé par Ham Sa, son « bruit » naturel est le Prana, principe de vie qui anime tous les êtres vivants et assure la vie des trois corps physique, énergétique et mental ce qui est expliqué au sloka suivant. Para signifie suprême. On pourrait traduire par cygne suprême. Autrement dit, lorsque le yogi s’est identifié au HamSa et se trouve uni à Shiva
5 Il entre en tous les êtres, le Ham-Sa, l’âtman, et devient présent en eux comme le feu dans le bois de friction, comme l’huile dans le sésame ; savoir cela, c’est vaincre la mort
Commentaire : c’est la raison pour laquelle lorsque l’on se concentre sur le souffle, utiliser ce mantra sous une forme ou une autre ( SO HAM ou HAM SA) met en vibration le prana dans sushumna et dans toute la structure énergétique ; pour le yoga, le Son a un rôle capital à travers les phonèmes. La notion de spanda est fondamentale : il faut imaginer que le mantra fait vibrer la structure énergétique en vibrant lui-même. Ce n’est pas une récitation creuse mais une activation de l’énergie. Quand nous-mêmes émettons un son ( vocal, instrument) les molécules d’air vibrent et transmettent le son dans l’espace.
6 L’adepte, en premier lieu, prend la posture du lotus et teint le souffle qu’il inspire ; pressant ensuite son anus avec son talon gauche, il fait monter le souffle à partir du centre de la base jusqu’à la porte des joyaux non sans avoir conduit le souffle à tourner par trois fois autour du Svadhisthana ; de la le souffle monte jusqu’à l’anahata et le dépasse gagnant
Commentaire : description classique d’un souffle conduisant à la méditation: le centre muladhara, les autres cakras, jusqu’au brahmarandhra. Dans notre série, anuloma viloma rapelle cette technique dans une version de base puisqu’ensuite le souffle redescend, qu’il n’est pas tenu en brahmarandra avant de revenir dans le cœur pour s’y maintenir en méditation uni au Soi.
Etre, pensée, béatitude est l’une des grandes triades du tantrisme : sat chit ananda, qu’on associe à deux autres triades : Iccha, Jnana, Kryia (volonté ou désir, connaissance, action) Manas, Prana, Ojas ( mental, principe de vie, énergie vitale des cakras de la base). On le verra en détail plus tard dans la formation.
7 Il est le Ham Sa suprême, resplendissant de la lumière de dix millions de soleils, et par qui toutes choses ont été pénétrées.
Commentaire : La lumière est l’un des autres grands attributs de Shiva lorsqu’il se déploie à travers son énergie : son et lumière sont des éléments fondamentaux dans la pratique du yoga et toutes les techniques de yoga mettent en vibration le son et la lumière sous une forme ou une autre. Les deux sons vibrations sous forme d’ondes.
8 Habitant désormais dans le lotus du cœur, il y trouve huit incitations correspondant à huit pétales ; le pétale oriental incline aux actions pieuses, le pétale d’Agni, à sommeiller, à paresser, et celui de Yama, à agir avec cruauté ; le pétale de Nirrti incite à mal faire, chez Varuni,
Commentaire : « désormais habitant dans le lotus du cœur » signifie que le yogi a uni son soi au Tout ; dans le cakra du cœur, il y a un autre centre à huit pétales qui est décrit ici ; tous les possibles sont inscrits sur les pétales. Et très intéressant, on voit que le cakra du cœur est lié aux états de veille, sommeil, sommeil profond et que c’est par lui que l’on peut accéder à l’état quatrième Tuyria, qui transcende les trois premiers états.
La résonance est le Nad, le son originel, au-delà de l’audible qui suppose le sens de l’ouïe et qui n’est pas nécessaire pour lui, d’où s’est déployé, avec la lumière, tout l’univers et qui est le pranava Om. On sait d’ailleurs que le son ne peut se transmettre dans le vide et c’est ainsi qu’il faut le comprendre.
10 De ce mantra, HamSa est le Voyant, le mètre la gayatri, le dédicataire ParamaHamsa, la semence-verbale, Ham, est la syllabe-semence (bija), c’est Lui, So est sa Shakti (son pouvoir) et HamSa ( So Ham) la pointe acérée : je suis Lui !
Commentaire : lorsque HamSa ou SoHam ne font qu’un avec le yogi, ou le yogi avec lui, l’union s’est réalisée.
11 Ce mantra, il faut le répéter vingt et mille six cents fois, en méditant sur les six centres de nuit et de jour ; dédiant cette méditation au soleil et à la lune, au seigneur impassible, et au brahman non manifesté ; on incitera, par ce moyen, l’élément subtil et sans forme qui est au fond de nous.
Commentaire : cela montre que le yogi n’est plus dans le faire, mais que le mantra se récite de lui-même à travers lui qui a réalisé l’union. Il n’a plus besoin de le réciter, il l’entend comme une résonnance au gré de ses souffles subtils. La voie de Shiva est accomplie, après qu’il a déjà commencé par la voie de l’individu (il récite le mantra sans cesse toute la journée) puis l’énergie prend le relai, et enfin l’union s’est produite. 21600 fois est le nombre de répétitions par jour ; tout montre que le yogi est donc déjà un yogi réalisé.
12 On utilise ce mantra pour les rites d’attouchement, commençant par le cœur, on poursuit sur tous les membres en répétant l’interjection rituelle : vausat pour agni et Soma ;
Commentaire : ici, il est question des nyasas, massages énergétiques qui sont faits sans toucher ni la peau ni le corps avec les trois doigts d’une main (trident de Shiva) avec association de mantra. Le nyasa sur le cœur associé à un mantra met en vibration l’énergie en l’associant à la pensée.
Commentaire : on retrouve le cœur du cœur, deuxième centre dans ce cakra du cœur ; il est nommé Hrdaya, ( prononcer Hridaya)
14 De cet oiseau Agni et Soma sont les ailes ; Om est la tête dont AUM et le bindu du Om sont les trois yeux et son visage; Rudra et sa parèdre sont les deux pattes ; telles sont les représentations qu’on utilise dans le rite double effectué à partir de la gorge ; l’union étroite entre le Hamsa et le ParamahamSa (soi et Soi) s’accomplit en deux temps, l’union duelle et l’union absolue.
Commentaire : ce passage très poétique est très explicite. Le nyasa peut aussi s’effectuer sur la gorge ( Vishuddi) pour purifier le centre de la parole et qui est aussi lié l’éther et au son.
15 En conclusion de ce rite, l’ajapa mantra cesse là où commence l’au-delà de la pensée. (Unmani qui signifie absence de pensée)
Commentaire : En sanskrit le « a » placé devant un nom et appelé privatif annule le sens du nom. A-japa se traduirait par non-récitation. Il n’est donc plus nécessaire de réciter le japa ( HamSa ou Soham) puisque cela se fait maintenant naturellement, l’union étant accomplie de l’âme individuelle avec l’âme universelle.
16 On peut aussi réaliser le son en répétant le mantra dix millions de fois ; le son se manifeste alors de dix manières comme suit : on entend d’abord chin, puis en second chini, chini ; la troisième sonorité est celle d’un cloche ; la quatrième d’un conque ; la cinquième d’un corde ; la sixième d’une cymbale, la septième d’une flûte, la huitième d’un tambour, al neuvième d’une grosse caisse, la dixième enfin est celle du tonnerre.
Commentaire : chin- chini – ( qu’on prononce tchin-i) est un des sons « inaudibles » qui rend le corps léger. Ici sont décrites les différentes étapes du déploiement du son.
17 Il faut négliger les neuf premières sonorités et concentrer son attention sur la dixième qui est celle du tonnerre.
Commentaire : ici, la présence d’un maître pour « sauter » les 9 premières étapes est nécessaire. Le texte ne le dit pas explicitement bien sûr.
Commentaire : sont décrits ici les différents Siddhi ( pouvoirs) atteints dans chaque palier. Les tremblements, le nectar lunaire, le percement du cœur, les pouvoirs de claire vision et claire audience, la percée du cœur et de Urna, les tremblements, etc sont des éléments qui reviennent toujours avant la réalisation du Soi et que le yogi doit négliger pour ne pas perdre son objectif qui est précisément cette union.
19. Dès lors, et par cela même, le mental individuel est détruit qui est la source des pensées et désirs comme des images et constructions mentales ( sankalpa et vikalpa) ; alors, de la cessation de ces deux activités de l’esprit mais aussi de l’extinction des actes positifs et négatifs, naît la transfiguration du disciple en SadaShiva, ( littéralement le toujours Shiva) le révélateur qui resplendit de la nature de Shakti l’omnipénétrante, qui est par essence splendeur radieuse qui est l’immaculé, l’éternel, le pur et le Om suprêmement paisible.
Commentaire : l’influence tantrique est claire dans cet upanisad qui n’a que faire des yama et niyama (préceptes pour accomplir de bonnes actions) puisqu’il s’agit littéralement de transcender l’incarnation ; le mental disparaît au profit d’une transmutation et SadaShiva.
En conclusion : il est important de garder à l’esprit le rôle qu’un mantra peut jouer dans une pratique même si notre visée, dans nos cours, est bien plus modeste. Il faut aussi penser les mantras en termes d’énergie sonore « vivante » et pas comme des syllabes vides. Vous savez, comme le « Abracadabra » des contes de notre enfance : le magicien donnait vie à la formule. C’est exactement la même chose avec les mantras. Cela donnera plus de vie et de résonnance à votre pratique !
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Une autre upanisad ( extrait) avec commentaire : kundalini upanisad