J’expliquais dans un autre article que la méditation n’est pas une action dans les voies tantriques; on est bien loin de la « pleine conscience » mise aujourd'hui à la mode par les Américains, qui s'est éloignée de son but premier, thérapeutique, afin de soulager la souffrance de patients atteints de problèmes psychiques graves.
Dans les écoles tantriques, le yoga nidra offre une voie d'accès à la méditation.
Qu'est-ce qui les différencie ? L’un prolonge-t-il l’autre ? L’un peut-il vraiment conduire à ce que la tradition tantrique appelle Parashiva, qu’on traduit ici par le Soi absolu ? Le yoga nidra est-il plus qu’un outil de relaxation ou de connaissance de soi ?
La réponse est oui.
Quand on pratique vraiment le yoga nidra, bien au-delà de la simple technique de relaxation ou d’exploration de « l’entre-deux » que ce yoga offre et qui permet, grâce aux états de conscience modifiée, d’explorer les structures physiologique, énergétique et mentale par une « autre voie d’accès », on dépasse alors l’acte ordinaire, dans lequel la volonté de l’individu initie l’action puis la dirige. Avec de la pratique et en restant longtemps en shavasana, c'est à dire en « cadavre », sans rien remuer, ni orteil, ni petit doigt, avec un souffle qui s'est complètement effondré, arrive un moment où l’individu se sent saisi par une volonté qui n’est plus la sienne : quelque chose prend le relai en lui et fait à sa place et c’est absolument magique. Commence alors la première phase de la méditation, celle dans laquelle l’individu ne fait rien du tout, car quelque chose en lui fait à sa place. On voit donc qu'il est possible d’entrer en méditation en se mettant en nidra et de sentir, tout comme en méditation, ce quelque chose prendre le relai.
Si vous avez du mal à saisir cela, imaginez un sucre qui fond dans l’eau. Au départ, l’eau et le sucre sont deux éléments séparés; imaginons aussi que le sucre n'ait pas conscience de l'eau, et qu'il la cherche; et puis voilà que l’eau vient dissoudre le sucre, mais celui-là ne disparaît pas pour autant. Il se fond au tout, à l’eau, qui dans notre image, serait Parashiva. Image un peu simpliste, certes… mais c'est juste pour que l'imagination puisse saisir... ensuite, par un procédé chimique simple, - faire évaporer l'eau - le sucre réapparait.
Sri Anirvan explique que, pendant la méditation en nidra, si l’individu ressent le vide du cœur et le vide de la fontanelle comme un tout, la pensée et le sens d’être une entité séparée s’effacent complètement. Il ne demeure qu’une pure conscience, totalement impersonnelle et tranquille, sans sujet qui voit et sans objet qui est vu. Il ne reste que le « vide », qui est la véritable méditation. Méditer n’appartient pas au domaine du faire car il n'est pas une action. C'est un abandon conscient, qui d'abord se focalise en un point jusqu'à ce que quelque chose vienne " faire à la place de". C’est à cette compréhension que peut conduire le yoga nidra dont c'est d'ailleurs l'un des principaux buts : emmener l’individu au-delà du « sommeil conscient » tel que décrit par de nombreux ouvrages qui effleurent ce qu'est yoga nidra ; car conscient, dans ces descriptions, désignent encore et toujours une action volontaire et un sujet qui fait, ressent, se sait séparé de son objet d'observation. Là, ce n'est pas du tout la mêe chose : ce sommeil conscient n'est plus l’acte volontaire de l’individu qui se sait dormant, mais sa fusion en Sat-Chit-Ananda : être, conscience, félicité. Il s'unit au tout. L’individu a réalisé le 5ème état. Mais j’en reparlerai plus tard.
Bien sûr, pour entrer en yoga nidra, il y a de nombreuses techniques ( et il y en a vraiment beaucoup dans la formation que je propose) qui permettent aussi : ( liste non exhaustive) :
- d'explorer et de repérer les processus qui précèdent l’endormissement et de jouer avec les passages d’un état à un autre.
- d'opérer des guérisons, de défaire des tensions, de reposer complètement le corps comme si on le remettait à neuf.
- d'explorer les méandres des labyrinthes propres à chacun.
- d' observer méthodiquement la façon dont l’énergie déploie tous les contenus de l’individu, - car tout est là, il n’y a plus qu’à « déployer » et jouer avec l’énergie.
- de découvrir les structures énergétiques et mentales,
- etc.
Mais le yoga nidra est aussi une voie d’accès à la méditation.
Quand le corps est véritablement devenu cadavre, c'est à dire shavasana qui est une posture à part entière- ce que veut dire shava/cadavre Asana/posture - figé comme s’il était de pierre, et qu'en même temps il se fait d'une légèreté absolu, qu'on l'oublie, que les autres corps s’animent complètement, que la conscience ordinaire s’efface pour laisser place à autre chose qui vient prendre le relai, la méditation est là. « Tout simplement ».
Dans la formation que je propose que j'ai enrichie au cours de ces douze années de pratique, il y a des techniques d’entraînement pour apprendre à glisser de l’entre-deux du nidra vers la méditation ; ainsi si l'étudiant est intéressé par cette voie, il peut utiliser ces techniques en préalable et méditer en yoga nidra : son « je » ne fait plus rien, mais se laisse emporter dans le Tout vibrant, conscient et lumineux. Un beau voyage immobile et mobile tout à la fois...