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Bienvenue sur Ondes et vibrations,  Diplômée en yoga, yoga nidra, yoga thérapeutique, je suis des études de sanskrit. Je propose ici de partager mes connaissances du yoga à travers des articles ou des vidéos de pratique, postées sur ma chaîne youtube.

 

 

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16 juillet 2024 2 16 /07 /juillet /2024 10:21

La danse classique Odissi :

 danse SACRÉE ancestrale ou imposture ?

 

 

 

  1. L’Inde dépouillée d’elle-même au cours des siècles
  2. L’histoire de la danse odissi : ce que l’on sait, ce que l’on suppose
  3. 1948 : Renaissance
  4. Jayantika et les pionniers de l’Odissi
  5. Le guru tout puissant
  6. Conclusion

 

Aujourd’hui, en Inde, le baratha-natyam et l’odissi sont présentées comme des danses de temples millénaires, gardées intactes et transmises sous l’autorité d’un guru non seulement détenteur de cette tradition conservée précieusement, mais également d’une manne spirituelle, que lui seul et quelques rares élus ont pu acquérir.

 

 

1.  l’Inde dépouillée d’elle-même au cours des siècles. 

 

Mais pour bien comprendre ce qu’il en est en réalité, il faut revenir sur l’histoire de l’Inde, sur son passé même s’il est impossible de le résumer en quelques mots. Ce qui est sûr, c’est que ce pays immense a vécu au cours du dernier millénaire des invasions successives qui peu à peu ont effacé, ou tenté d’effacer, volontairement ou non, tout un pan de sa culture, de sa philosophie, de sa spiritualité, en un mot, de son identité : musulmans, Anglais, Portugais, Danois, Hollandais, Français ont à tour de rôle cherché à contrôler le plus de régions possible et ont guerroyé entre eux afin de prendre toujours plus de pouvoir. 

Dès le 7e siècle, commencent dans le nord du pays les invasions musulmanes qui se poursuivront au XIIe avec l’installation des Turcs et des Afghans. Différents sultanats seront créés, dont celui de Delhi.  Mais au XVe siècle, L’Empire Moghol les évincera pour s’établir fermement sur une grande partie du pays jusqu’à ce qu’au 17e siècle les Anglais commencent à leur tour à contrôler tout le pays. En 1858, c’est la création du Raj britannique qui perdurera jusqu’à l’indépendance de l’Inde en 1948. Au-delà de cette date, il restera encore quelques comptoirs européens, comme le comptoir français de Pondichéry, qui seront finalement cédés à l’Inde.

 

On peut toutefois noter qu’à partir du 17e siècle, plusieurs soulèvements auront lieu, dont l’un des derniers sera la révolte des cipayes en 1857, violemment réprimée.

 

 

2. La danse Odissi : ce que l’on sait, ce que l’on suppose

 

Mais bien avant ces temps troublés, deux siècles avant ou apr. J.-C., la date reste floue, le légendaire Baratha Muni rédige le Nâtya-shâstra, traité qui expose en détail tout ce qui régit les arts dramatiques, du théâtre à la poésie en passant par la danse. Abhinavagupta  l’a commenté au XIIe siècle et il fait toujours référence aujourd’hui. L’art chorégraphique existe donc au moins depuis cette époque, ce que confirment les sculptures découvertes  dans les grottes des collines d’Udayagiri et de Khandagiri près de Bhubaneswar en Orissa qui dateraient du 1er siècle avant Jésus-Christ et qui serviront de point de repère 19 siècles plus tard pour reconstruire le style Odissi après qu’il fût perdu.

Bhubanesvar : Alasya Kanya

 

Vers le 3e siècle, le jaïnisme de cette région fait place au bouddhisme qui lui-même laisse la place au shivaïsme dès le 7e siècle. Ce courant spirituel, qui accueille de nombreux éléments tantriques et se serait mêlé à un shivaïsme préaryen, s’impose complètement au Xe siècle comme en témoigne le culte de Shiva et la construction des temples notamment dans la région de l’actuelle Orissa.  

Un nouveau culte va bientôt remplacer le Shivaïsme en Orissa : le Vishnouisme. Vishnou, connu en Orissa sous la forme de Jagannath, prend pour forme humaine Krishna. Il est inséparable de Radha, son grand amour, ce que célèbre le poète Jayadeva dans la Gita Govinda. Pour honorer ce dieu, des temples monumentaux sont édifiés tel le temple de Jagannath à Puri, ou encore le temple du Soleil à Konark sous la dynastie Ganga. Le culte de Jagannath culmine à Puri au 12ème siècle.

 

Plusieurs éléments laissent supposer que les temples construits entre le 6e et le 12e siècle ont accueilli la danse.

-  La présence de centaines d’alasakanya, jeunes filles qui ornent les façades de temple dans des poses souvent langoureuses, sensuelles et toujours extrêmement gracieuses.

- Des archives, dès le 7e siècle, qui font mentions des Maharis, servantes-danseuses-épouses de Jagannath ainsi qu’un rituel de danse pour ces Maharis ou devadasis. C’est au 7e siècle que le tantrisme[1] infuse le shivaïsme, qui trouve son apogée au 10ème siècle. On suppose que la danse féminine dans ce contexte tantrique est vécu comme un «  yoga » c'est-à-dire un moyen d’union ; elle est peut-être réalisée par des devadasis-yogini.   Rien ne le prouve cependant.

- Au cœur du  tantrisme, Shiva/Shakti sont les deux pôles d’un tout et d’une certaine manière le pendant du couple Radha/Krishna. Il faut cependant comprendre tout cela comme des variations émanant d’un point unique qui se décline en différents aspects.

- Ce qui est certain c’est qu’au 12e siècle, un nouvel espace est créé au sein des temples, appelé Natya[2] mandapa, pour les prêtresses-danseuses. Il est réservé au culte à travers la danse.  

Malheureusement, dès le 14e siècle et jusqu’au 16e siècle, les invasions musulmanes mettent un point final à ces rituels dansés ; la vie dans les temples s’arrête. Ils sont fermés, leurs occupants chassés. On ne sait pas ce que deviennent les danseuses et les officiants des temples. Certains supposent que les danseuses transposent leur art dans les milieux profanes, cours ou autres, pour gagner leur vie, mais rien n’est sûr. La danse elle-même se perd, ainsi que son lien avec le tantrisme. Dans le même temps apparaissent les gotipuas, dont personne ne sait aujourd’hui pourquoi. J’aurai tendance à penser qu’ils sont apparus dans un contexte semblable à celui des Onnagatas japonais, quand les Shoguns interdisent aux femmes d’être actrices et font appels à des hommes pour incarner les rôles féminins dans le théâtre Kabuki ce qui est toujours le cas aujourd’hui. Peut-être les Maharis ont-elles transmis leur art à ces garçons pour le conserver, mais rien n’est moins sûr.

2  James Ferguson : Kornak en ruine, 1847.  Source: Wikimedia.org

2 James Ferguson : Kornak en ruine, 1847. Source: Wikimedia.org

Deux siècles plus tard, la présence anglaise et son puritanisme n’arrangeront rien, car les sculptures érotiques des temples et les poses sensuelles des alasakanya au corps nu paré de bijoux heurtent leur pudibonderie. Danse et prostitution sont confondues, comme c’est d’ailleurs le cas à la même époque en France à l’opéra de Paris où chaque danseuse était plus ou moins « vendue » à un protecteur qui faisait son marché dans le foyer de la danse.

La danse Odissi : danse sacrée ancestrale ou imposture ?

3. Renaissance

 

 

En 1947, la situation est tragique : 4 siècles ont passé depuis la fermeture des temples qui ont peu à peu effacé toutes traces de ces rituels dansés au lien puissant avec le divin. Heureusement, l’Inde reconquiert son indépendance en 1948 et grâce à l’appui d’artistes comme Rabindranath Tagore qui la défend avec vigueur, la danse va peu à peu reprendre une place digne et honorable et même devenir une raison de fierté nationale. L’Odisha  en fera son fer de lance pour se construire une identité et affirmer sa singularité régionale : Jagannath en devient le symbole comme Nataraja l’est plus au sud de l’Inde pour le Baratha natyam (qui a vécu la même chose)

 En effet, la danse est un symbole fort : dépouillée de ses temples, de son art, de ses prêtresses-danseuses par des envahisseurs qui n’ont rien compris à leur spiritualité, l’Inde désire reconquérir un passé perdu, Cela ne se fera pas tout seul, car les préjugés envers les danseuses considérées comme moins que rien, auront la vie dure. Une fois les préjugés vaincus grâce à de courageux intellectuels qui prennent sa défense, la danse sera entièrement recréée, car il ne reste plus rien de ce qu’elle a été.

 

Au début, aucune «  jeune fille de bonne famille » n’est autorisée à prendre des cours de danse. Mais peu à peu, après 1950, le changement est favorable pour « ressusciter » la danse. Mais elle ne renaîtra pas dans les temples. Ce n’est pas dit clairement, mais on suppose qu’en 1950, la présence d’une danseuse dans un temple reste quelque chose d’impensable d’autant plus que flottent autour de la danse des relents tantriques qui en effarouchent plus d’un. C’est dire si tout un pan de la culture et de la spiritualité a été effacé de la vie indienne pendant ces nombreux siècles. À tort, mais sans chercher à comprendre, on associe au tantrisme le sexe, ce qui faisait frissonner d’horreur l’Inde tout entière devenue, sous son double joug musulman et anglais, puritaine. Et pourtant, c’est bien ce courant philosophique qui sous-tendait toute la danse des temples au XIIe siècle.

 

C’est donc au théâtre que la danse reprend vie sous le nom d’Odissi ;  c’est en 1953, à Cuttack,  que Priyambada Mohanty présente une pièce de quelques minutes lors d’un festival et que l’un des membres du jury, le docteur Charles Fabri, historien de l’art, écrivant et indianiste hongrois, la « baptise » Odissi, littéralement danse de l’Odisha. Cet évènement attire l’attention internationale.

4. Jayantika et les pionniers de l’Odissi

 

 

En 1957, se forme alors un groupe de recherche appelé le Jayantika : il est composé des futurs pionniers de la recréation de l’Odissi : parmi eux : Pankaj Charan Das, Kelucharan Mohapatra,  Deb Prasad Das, Mayadhar Rauth. À noter qu’aucune femme ne figure dans le groupe, ce qui est très explicite en soi même. Afin de lui redonner sa légitimité, la danse est devenue une affaire d’hommes !

La danse Odissi : danse sacrée ancestrale ou imposture ?

Ces artistes vont puiser dans le répertoire des gotipuas[3], jeunes garçons aux chorégraphies « régionales » assez acrobatiques,  le matériel rythmique, mélodique, musical. Le baratha-natyam est une autre source d’inspiration ; enfin, ils relèvent et répertorient toutes les poses des alasakanya gravées dans les temples et examinent les traités théâtraux, tel le Natya Shâstra évoqué plus haut, à la loupe. Les poèmes de Jayadeva servent de base pour construire des abhinayas, récits dansés.

On oublie souvent le rôle précieux de la danseuse Sanjukta Panigrahi, collaboratrice de premier ordre pour Kelucharan Mohapatra, dont le travail est resté dans l’ombre du guru et pour cause, voir un peu plus loin.

Malheureusement, très vite, les pionniers vont se quereller, et même assez violemment ; ils ne parviendront pas à trouver un terrain d’entente ; chacun finira par travailler dans son coin, plus ou moins amer, fâché ou meurtri à vie. Cela aussi à son importance, car chaque guru est sûr de détenir la vérité, d’où l’interdiction tacite de travailler avec un autre guru.

 

Malgré tout, le répertoire qu’on connaît aujourd’hui va peu à peu émerger entre les années 1960 et 1970

 

En 1968, le Dr Vatsyayan souligne le fait, mais sans aucune preuve, que tous les styles de danse classique partagent le principe fondamental qu’elles constituent des formes de sadhana[4]. Cette affirmation gratuite est l’une des  raisons de l’intérêt grandissant pour la danse indienne « classicisée » comme l’Odissi ou le Baratha Natyam. Mais comme écrit plus haut, cette affirmation n’a aucun fondement.

 

Il n’en faut malheureusement pas plus pour renforcer le statut du guru qui se met à bénéficier d’une inconditionnelle déférence, ce qui crée des hiérarchies pas toujours propices au but recherché à travers la danse. Les gurus se déclarent seuls gardiens de la connaissance, détenteurs d’une manne spirituelle absolue, et leurs élèves, principalement des filles, leur sont totalement soumises. Elles sont souvent à la fois leurs interprètes et leurs mécènes, car elles leur paient leur enseignement, ce qui permet aux gurus de vivre tout en menant leurs recherches.

 

 

5. Le guru tout puissant

 

De là découlent deux problématiques et  bien des craintes chez les élèves/interprètes :

- L’élève doit accepter tel quel l’enseignement sans jamais remettre en cause ni l’enseignement ni le pouvoir « spirituel » de son guru. 

-  La danse enseignée est présentée comme étant ancestrale et authentique alors qu’elle n’a même pas une vingtaine d’années dans les années 1970. Jusqu’aux années 2000, plusieurs témoignages confirment l’abandon absolu au guru, sous prétexte de faire mourir son ego ; le souci, c’est que l’ego du guru, lui, est souvent bien actif !

 

Quant à l’élève/interprète :

  1. Plus que tout, il redoute d’être exclu et de perdre le lien avec le spirituel s’il ose se séparer de son guru ou s’il prend des cours avec un autre guru pour découvrir un autre enseignement, ce qui est – tacitement ou pas – interdit.
  2. Il a l’absolue interdiction de modifier quoi que ce soit dans la pratique dansée ; tout est fait au millimètre près, ce qui fait que tout le monde danse exactement la même chose de la même façon dans chaque école où le guru s’est autoproclamé guru.
  3. Il y a interdiction de créer un répertoire autre que celui que le guru transmet sous peine là aussi d’exclusion. Cette exclusion est terrifiante pour des élèves soumis, qui ont pleine confiance en leur guru et en sa manne spirituelle qui leur est alors retirée.

 

Rekha Tandom  qui m’a inspiré cet article écrit : «  Ironiquement, l’hésitation et l’incapacité des danseurs qualifiés à travailler avec des visions différentes, indépendantes, restent directement proportionnelles à l’intensité de la relation guru-élève qui sous-entend que son ego doit céder devant lui. Ce qui fait que tout le monde accepte de façon inconditionnelle la parole du guru. »

 

 Quant à Dinanath Pathy, artiste indien à l’esprit avisé, il écrit : «  La danse qu’ils créèrent ou fabriquèrent n’était pas authentiquement traditionnelle, mais authentiquement contemporaine »

 

On ne saurait être plus clair d’autant plus que nombre de danseurs ont noté que le guru, gardien jaloux du style, interdisant toute modification, pouvait très bien à 20 ans d’écart, transmettre une chorégraphie dont le titre n’avait pas changé, mais qui modifiée, remaniée, transformée, présentait en un mot d’importants changements, ce qui contredit l’idée d’une danse authentique issue d’un héritage ancestral.  

De plus, suite à la dissolution du groupe Jayantika, chaque école détermine ce qui est correct ou incorrect suivant ses propres critères et là encore les différences sont importances.

 

Rekha Tandom insiste d’ailleurs sur le fait que ce correct/incorrect n’est jamais expliqué ou analysé par le guru : c’est comme ça, un point c'est tout, et il n’y a même pas le droit de questionner le guru là-dessus. De même, toute discussion métaphysique est complètement absente des cours de danse… seul le guru sait, il faut le suivre, et c’est tout. D’où lui vient la manne spirituelle ? On n’a pas le droit de questionner le guru là-dessus. Pourquoi la danse devient-elle spirituelle ? Grâce à la manne spirituelle du guru, mais si tu me quittes, ta danse perdra toute spiritualité.

 

 

Aujourd’hui, la principale contradiction est que tout le monde admet que l’Odissi est par nature spirituelle et tantrique, mais personne n’en apporte la moindre preuve.

Beaucoup pensent qu’il suffit d’être éveillé à soi-même (comment ? Mystère !) pour que la danse se fasse à travers le danseur indépendamment de lui ce qui prouve sa nature spirituelle. Encore sans doute une histoire de « pleine conscience » acquise « sans effort » grâce au guru. Pourtant,  l’une des triades tantriques est : Icchâ, jnanâ, kriyâ   : volonté/effort, connaissance, action.

 

 

6. Conclusion

 

On peut donc se poser cette question : la danse odissi, présentée comme danse sacrée, est-elle une imposture ?

La réponse est double : non, car le désir puissant de retrouver une identité à travers la danse, symbole fort de liberté, d’identité, après des siècles d’humiliation et d’interdiction a fait émerger un style unique et de nombreuses et merveilleuses chorégraphies ; le groupe Jayantika doté des meilleures intentions du monde, a travaillé à ses débuts dans l’enthousiasme, la ferveur, et fourni un travail de recherche considérable en s’inspirant de la statuaire des temples et des anciens traités.

Mais oui, car les dérives qui ont suivi ainsi que les affirmations sans fondements sur un authentique art ancestral et sur la spiritualité acquise par le guru tout puissant entachent ce magnifique travail.

 

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15 octobre 2023 7 15 /10 /octobre /2023 09:21

 

J’ai lu avec grand intérêt le livre de Rekha Tandon, Odissi as yoga.  J’en résume ici les premiers chapitres, vraiment passionnants.

 Dans un autre article, je commenterai de mon point de vue de danseuse et pratiquante de yoga sa vision que je ne partage pas, même si je reconnais qu’elle est la première à essayer de poser des jalons pour replacer l’Odissi dans un cadre vraiment spirituel, ce qui au fond, n’est toujours pas le cas. Car elle écrit en préface de son livre : «  Explorer les principes du yoga dans la danse indienne et construire une pratique artistique tangible basée sur cette compréhension est le but de ce livre. »  Hors, il me semble qu’elle a une connaissance bien superficielle du yoga, ce qui n’est pas le cas de la danse Odissi.

 

Les contradictions et les zones d’ombre.

 

La première chose à savoir, et qui est pour le moins surprenante est que l’Odissi est transmis comme un héritage ancien, alors que ce style a été complètement recréé au 20ème siècle en s’inspirant de diverses sources qui sont toutes éloignées de ce qu’a été cette danse de temple au 12ème siècle, lors de son apogée. 

La deuxième, que cet «  héritage » est transmis avec l’idée que s’écarter de cet enseignement fait perdre l’efficacité spirituelle, que seul le guru détient et peut donner.

 

Ce sont ces deux affirmations que Rekha développe et questionne dans ses premiers chapitres. Elle revient sur l’historique qu’elle résume ainsi :

 

Qu’est ce que l’Odissi aujourd’hui ?

 

Une construction synthétique d’un matériel culturel brut créé au milieu du 20ème siècle et qui contraste avec l’idée d’un produit fini  avec le sous-titre que c’est un héritage ancien qui doit être gardé aussi intact que possible. Le phénomène de transcendance à travers la pratique est livré tel quel sans explication.

 

 

Quelques mots sur ce que l’on sait de l’Odissi dans le passé :

 

Les temples ont été construits entre le 6ème et le 12ème siècle ; danse et temple sont inextricablement liés à partir du 7ème siècle :

  • Le culte de Jagannath est à son apogée à Puri au 12ème siècle ; il  s’incarne dans une forme humaine, sous l’aspect Krishna ; son grand amour est Radha et leur relation la lui permet une fusion avec le Soi. Tout cela est raconté dans la Gita Govinda écrite par Jayadeva
  • Ces poèmes sont évoqués en sculpture à travers les centaines d’alasyakanya qui sont des jeunes filles qui ornent les façades de temple dans des poses souvent langoureuses, et toujours extrêmement gracieuses.
  • Dès le 7ème siècle, on trouve dans les archives des temples les mentions des Maharis, servantes-danseuses-épouses de Jagannath ainsi qu’un rituel de danse pour ces Maharis ou devadasis. C’est au 7ème siècle, que le tantrisme[1] éclot au sein du courant dominant shivaïte.
  • Il est presque certain qu’à partir du 10ème siècle, la danse féminine dans ce contexte tantrique ; la danse est sans doute alors vécu comme un «  yoga » c'est-à-dire un moyen d’union ou est réalisée par des devadasis-yogini.   Rien ne le prouve cependant.
  • Shiva/Shakti, les deux pôles d’un tout,   au cœur du tantrisme au 10/ 11ème siècle, qui deviendra Jagannath,  Dieu tutélaire de l’Orissa, lequel s’incarnera dans une forme humaine en Krishna, sous-tendent cette danse féminine mais qui pourrait transcender le genre.
  • Il faut comprendre tout cela simplement comme des variations émanant d’un point unique qui se décline en différents aspects.
  • Au 12ème siècle, l’architecture des temples et leurs sculptures fleurissent dans toute  cette région. Un espace nouveau est créé au sein des temples, appelé Natya[2] mandapa, pour les prêtresses-danseuses. Il est réservé au culte à travers la danse. C’est là que sont sculptées des centaines d’alasyakanya qui serviront de base pour reconstruire la danse de ces temples après qu’elle ait été perdue.
  • Malheureusement, au 16ème siècle, les invasions musulmanes mettent un point final à ces rituels dansés ; la vie dans les temples s’arrête. Ils sont fermés, leurs occupants chassés.
  • Ils sembleraient qu’à partir de cette date, pour gagner leur vie, les Maharis dansent pour qui «  veut » mais peu à peu, leur réputation chute et elles sont progressivement assimilées à des courtisanes, ce qu’elles étaient peut-être occasionnellement pour gagner leur vie. La danse elle-même se perd et le lien avec le tantrisme.

 

 

Recréer un style de toute pièce : telle est l’odissi aujourd’hui

 

 

En 1947, la situation est tragique, car sous la gouvernance anglaise et son puritanisme, celles qui se nomment encore Maharis, souvent descendantes très très lointaines Maharis (quatre siècles ont passé) reçoivent l’enseignement de leur mère ; elles sont considérées comme des prostituées. 4 siècles ont passé qui ont peu à peu effacé toutes traces de ces rituels dansés, de ce lien puissant avec le divin, la racine sanskrit Di désignant la lumière, car son et lumière sont au cœur du tantrisme.

 

Mais heureusement, avec l’indépendance de l’Inde et grâce à l’appui d’artistes comme Rabindranath Tagore qui la défend avec vigueur, la danse va peu à peu reprendre une place digne et honorable en Inde, et même devenir une raison de fierté nationale. Mais qu’on ne s’y trompe pas : elle devra d’abord faire face à sa très mauvaise réputation, puis, quand le pas sera franchi, va être  recréée de toute pièce et n’aura plus grand-chose à voir avec ce qu’elle fut au 12ème siècle, l’âge d’or du tantrisme dans cette région. Même si certaines femmes se disaient encore descendante de Mahari, plus aucune d’elle ne dansaient dans les temples, ni ne recevaient une formation dans un cadre  sacré comme cela avait été le cas 8 siècles plus tôt.

 

Toujours est-il que la région nouvelle appelée Odisha en fera son fer de lance pour se construire une identité. Cela ne se fera pas tout seul, car les préjugés envers les danseuses considérées comme moins que rien, aura la vie dure. Au début, aucune «  jeune fille de bonne famille » n’est autorisée à prendre des cours. Mais peu à peu, après 1950, le changement est favorable pour «  ressusciter » la danse. Dans le même temps on découvre que les Maharis étaient les épouses de Jagannath, mais la danse est perdue ; l’Odisha voit dans la restauration de la danse l’occasion d’affirmer sa singularité régionale. Jagannath en devient le symbole comme Nataraja l’est pour le baratha natyam (qui a vécu la même chose)

 

Cependant,  la danse va renaître non pas dans les temples, mais au théâtre. C’est un fait à noter important.  C’est à ce moment que la danse va prendre le nom d’Odissi ;  en 1953, à Cuttack,   Priyambada Mohanty présente une pièce de quelques minutes lors d’un festival et l’un des membres du jury, le docteur Charles Fabri, historien de l’art, la «  baptise » Odissi

 

 

Jayantika et les pionniers de l’Odissi

 

 

Se forme alors un groupe de recherche, en 1957, appelé le Jayantika et composé de ceux qui seront les pionniers de la reconstruction (ou plutôt recréation) de l’Odissi : parmi eux : Pankaj Charan Das, Kelucharan Mohapatra,  Deb Prasad Das, Mayadhar Rauth.

 

Ils vont abondamment puiser dans la tradition des gotipuas[3], jeunes garçons élevés comme des danseuses dont les chorégraphies «  régionales » sont assez acrobatiques ; c’est là qu’ils puisent le matériel rythmique, mélodique, chanté ; ils s’inspirent aussi de ce que la baratha-natyam a construit ;  les sculptures sont examinées soigneusement et toutes leurs postures et gestes sont répertoriées. Les traités théâtraux seront aussi examinés à la loupe tel le natya sastra du légendaire Barathi (qui donnera son nom à l’Inde). On s’inspire de Jayadeva et de ses poèmes pour construire des abhinayas. La danseuse Sanjukta Panigrahi sera une collaboratrice très importante pour Kelucharan Mohapatra, même si son travail restera dans l’ombre du guru et pour cause, voir un peu plus loin. Malheureusement, très vite, les pionniers ne seront pas d’accord entre eux, et chacun finira par travailler dans son coin, plus ou moins amer et/ou fâché à vie.

 

Malgré tout, le répertoire va quand même surgir entre les années 1960 et 1970

 

En 1968, le Dr Vatsyayan souligne le fait que tous les styles de danse classiques partagent le principe fondamental qu’elles constituent des formes de sadhana[4]. Ses écrits vont avoir un grand retentissement et sont la cause de l’intérêt grandissant pour la danse indienne « classicisée » comme l’Odissi ou le baratha natyam, d’un point de vue philosophique.

 

Cette même idée va renforcer le statu du guru comme gardien de la connaissance. Il se met à bénéficier d’une inconditionnelle déférence et cela créé des hiérarchies pas toujours propices au but recherché à travers la danse. Ils se déclarent seuls gardiens de la connaissance, et leurs élèves, principalement des filles, sont à la fois leurs interprètes et leurs mécènes. Elles paient leur enseignement, leur permettant  ainsi de vivre et de mener leurs recherches.

 

Mais de là découlent deux problématiques : premièrement,  l’élève doit accepter tel quel l’enseignement sans jamais remettre en cause l’enseignement  ni le pouvoir «  spirituel » de son guru ; deuxièmement,  la danse enseignée est présentée comme étant ancestrale et authentique alors qu’elle n’a même pas une vingtaine d’années dans les années 1970. Jusqu’aux années 2000, plusieurs témoignages confirment l’abandon absolu au guru, sous prétexte de faire mourir son ego ; le souci, c’est que l’ego du guru, lui, était souvent bien actif !

 

Delà découlent plusieurs peurs, craintes, blocages cher les élèves/interprètes :

  • Celle d’être exclu et de perdre le lien avec le spirituel si on ose se séparer de son guru ou si on prend des cours avec un autre guru pour découvrir un autre enseignement, ce qui est – tacitement ou pas – interdit.
  • L’interdiction de modifier quoi que ce soit dans la pratique dansée ; tout est fait au millimètre, ce qui fait que tout le monde danse exactement la même chose de la même façon dans chaque école ou le  guru s’autoproclame guru.
  • L’impossibilité de créer un répertoire autre que celui que le guru transmet sous peine là aussi d’exclusion. Cette exclusion est terrifiante pour des élèves soumis, qui ont pleine confiance en leur guru et en sa manne spirituelle qui leur est alors retirée.

 

Rekha Tandon écrit : «  Ironiquement, l’hésitation et l’incapacité des danseurs qualifiés à travailler avec des visions différentes, indépendantes, reste directement proportionnelle à l’intensité de la relation guru-élève qui sous entend que son ego doit céder devant lui. Ce qui fait que tout le monde accepte de façon inconditionnelle la parole du guru. »

 

Dinanath Pathy, artiste indien à l’esprit avisé, quant à lui, écrit : «  La danse qu’ils créèrent ou fabriquèrent n’était pas authentiquement traditionnelle mais authentiquement contemporaine »

 

Une autre chose est aussi à souligner par rapport à la transmission de cet « héritage ancestral et authentique » : le guru, gardien jaloux du style, pouvait très bien à 20 ans d’écart, transmettre une chorégraphie dont le titre n’avait pas changé mais qui modifiée, remaniée, transformée, présentait  en un mot d’importants changements…

 

Enfin, il est bon de savoir que chaque école détermine ce qui est correct ou incorrect suivant ses propres critères puisque le groupe Jayantika n’a eu qu’une durée de vie très courte, quelques années seulement, avant que tout le monde se sépare pour travailler dans son coin, plus ou moins fâché, vexé, meurtri.

 Ce correct/incorrect n’est, d’ailleurs, jamais expliqué ou analysé par le guru : c’est comme ça, un point c’est tout. De même, toute discussion métaphysique est complètement absente des cours de danse…

 

Enfin, quant au lien avec le tantrisme, ce qui est certain c’est que pendant plus de quatre siècle, le tantrisme avait une telle mauvaise réputation en Inde qu’il fut progressivement délibérément ignoré (au moins en apparence car son enseignement continua dans le secret) ; on lui associait le sexe, ce qui faisait frissonner d’horreur l’Inde toute entière devenue, sous son double joug musulman et anglais, puritaine. 

La grande contradiction aujourd’hui est que tout le monde admet que l’Odissi recréé de toute pièce aujourd’hui est par nature spirituelle, tantrique, mais personne n’en apporte la moindre preuve.

Beaucoup pensent qu’il suffit d’être éveillé à soi-même (comment ? mystère !) pour que la danse se fasse à travers le danseur indépendamment de lui et soit la preuve de sa nature spirituelle. Encore sans doute une histoire de «  pleine conscience » tellement à la mode aujourd’hui, mais qui s’acquiert «  sans effort ». Pourtant,  l’une des triades tantriques est : Iccha Jnana Kryia : volonté, connaissance, action.

 

[1] Principe philosophique que cherche à unir conscience ( shiva) et énergie ( shakti)  pour fusionner dans le Soi – parashiva- en utilisant les différents corps ou koshas considérés comme temple grâce auquel l’alchimie peut se faire à travers des techniques qui utilisent le corps comme creuset et point de départ.

[2] Natya est un terme sanskrit qui désigne tout performance théâtrale, y compris la danse, et bien avant la création des théâtres puisque le natya sastra – traité de natya – attribué à Barratha

[3] On sait peu de choses sur l’historique des gotipuas, sans doute comme les onnagatas, hommes qui remplacent les actrices sur scène interdites à la même époque au Japon, deviennent-ils les dépositaires de la danse car les femmes n’en n’ont plus le droit. On a alors eu recours à de jeunes garçons aux traits féminins jusqu’à ce que la puberté leur fasse perdre leur aspect féminin

[4] En sanskrit sadhana साधन  signifie réalisation ; dans un contexte spirituel, il désigne l’engagement dans une voie mystique, quelle qu’elle soit,  par une pratique quotidienne, qui n’est pas nécessairement physique.

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4 juillet 2023 2 04 /07 /juillet /2023 14:32

 

 

J’ai lu avec grand intérêt le livre de Rekka Tandom, Odissi as yoga.  J’en résume ici les premiers chapitres, vraiment passionnants.

 Dans un autre article, je commenterai de mon point de vue de danseuse et pratiquante de yoga sa vision que je ne partage pas entièrement, même si je reconnais qu’elle est la première à essayer de poser des jalons pour replacer l’Odissi dans un cadre vraiment spirituel, ce qui au fond, n’est toujours pas le cas. Car elle écrit en préface de son livre : «  Explorer les principes du yoga dans la danse indienne et construire une pratique artistique tangible basée sur cette compréhension est le but de ce livre. »  Hors, il me semble qu’elle a une connaissance d'un certain type de yoga, qu'elle dit tantrique, mais son exposé du yoga reste un peu superficiel,  ce qui n’est pas le cas de la danse Odissi.

 

Les contradictions et les zones d’ombre.

 

La première chose à savoir, et qui est pour le moins surprenante est que l’Odissi est transmis comme un héritage ancien, alors que ce style a été complètement recréé au 20ème siècle en s’inspirant de diverses sources qui sont toutes éloignées de ce qu’a été cette danse de temple au 12ème siècle, lors de son apogée. 

La deuxième, que cet «  héritage » est transmis avec l’idée que s’écarter de cet enseignement fait perdre l’efficacité spirituelle, que seul le guru détient et peut donner.

 

Ce sont ces deux affirmations que Rekha développe et questionne dans ses premiers chapitres. Elle revient sur l’historique qu’elle résume ainsi :

 

Qu’est ce que l’Odissi aujourd’hui ?

 

Une construction synthétique d’un matériel culturel brut créé au milieu du 20ème siècle et qui contraste avec l’idée d’un produit fini  avec le sous-titre que c’est un héritage ancien qui doit être gardé aussi intact que possible. Le phénomène de transcendance à travers la pratique est livré tel quel sans explication.

 

 

Quelques mots sur ce que l’on sait de l’Odissi dans le passé :

 

Les temples ont été construits entre le 6ème et le 12ème siècle ; danse et temple sont inextricablement liés à partir du 7ème siècle :

  • Le culte de Jagannath est à son apogée à Puri au 12ème siècle ; il  s’incarne dans une forme humaine, sous l’aspect Krishna ; son grand amour est Radha et leur relation la lui permet une fusion avec le Soi. Tout cela est raconté dans la Gita Govinda écrite par Jayadeva
  • Ces poèmes sont évoqués en sculpture à travers les centaines d’alasyakanya qui sont des jeunes filles qui ornent les façades de temple dans des poses souvent langoureuses, et toujours extrêmement gracieuses.
  • Dès le 7ème siècle, on trouve dans les archives des temples les mentions des Maharis, servantes-danseuses-épouses de Jagannath ainsi qu’un rituel de danse pour ces Maharis ou devadasis. C’est au 7ème siècle, que le tantrisme[1] éclot au sein du courant dominant shivaïte.
  • Il est presque certain qu’à partir du 10ème siècle, la danse féminine dans ce contexte tantrique ; la danse est sans doute alors vécu comme un «  yoga » c'est-à-dire un moyen d’union ou est réalisée par des devadasis-yogini.   Rien ne le prouve cependant.
  • Shiva/Shakti, les deux pôles d’un tout,   au cœur du tantrisme au 10/ 11ème siècle, qui deviendra Jagannath,  Dieu tutélaire de l’Orissa, lequel s’incarnera dans une forme humaine en Krishna, sous-tendent cette danse féminine mais qui pourrait transcender le genre.
  • Il faut comprendre tout cela simplement comme des variations émanant d’un point unique qui se décline en différents aspects.
  • Au 12ème siècle, l’architecture des temples et leurs sculptures fleurissent dans toute  cette région. Un espace nouveau est créé au sein des temples, appelé Natya[2] mandapa, pour les prêtresses-danseuses. Il est réservé au culte à travers la danse. C’est là que sont sculptées des centaines d’alasyakanya qui serviront de base pour reconstruire la danse de ces temples après qu’elle ait été perdue.
  • Malheureusement, au 16ème siècle, les invasions musulmanes mettent un point final à ces rituels dansés ; la vie dans les temples s’arrête. Ils sont fermés, leurs occupants chassés.
  • Ils sembleraient qu’à partir de cette date, pour gagner leur vie, les Maharis dansent pour qui «  veut » mais peu à peu, leur réputation chute et elles sont progressivement assimilées à des courtisanes, ce qu’elles étaient peut-être occasionnellement pour gagner leur vie. La danse elle-même se perd et le lien avec le tantrisme.

 

 

Recréer un style de toute pièce : telle est l’odissi aujourd’hui

 

 

En 1947, la situation est tragique, car sous la gouvernance anglaise et son puritanisme, celles qui se nomment encore Maharis, souvent descendantes très très lointaines Maharis (quatre siècles ont passé) reçoivent l’enseignement de leur mère ; elles sont considérées comme des prostituées. 4 siècles ont passé qui ont peu à peu effacé toutes traces de ces rituels dansés, de ce lien puissant avec le divin, la racine sanskrit Di désignant la lumière, car son et lumière sont au cœur du tantrisme.

 

Mais heureusement, avec l’indépendance de l’Inde et grâce à l’appui d’artistes comme Rabindranath Tagore qui la défend avec vigueur, la danse va peu à peu reprendre une place digne et honorable en Inde, et même devenir une raison de fierté nationale. Mais qu’on ne s’y trompe pas : elle devra d’abord faire face à sa très mauvaise réputation, puis, quand le pas sera franchi, va être  recréée de toute pièce et n’aura plus grand-chose à voir avec ce qu’elle fut au 12ème siècle, l’âge d’or du tantrisme dans cette région. Même si certaines femmes se disaient encore descendante de Mahari, plus aucune d’elle ne dansaient dans les temples, ni ne recevaient une formation dans un cadre  sacré comme cela avait été le cas 8 siècles plus tôt.

 

Toujours est-il que la région nouvelle appelée Odisha en fera son fer de lance pour se construire une identité. Cela ne se fera pas tout seul, car les préjugés envers les danseuses considérées comme moins que rien, aura la vie dure. Au début, aucune «  jeune fille de bonne famille » n’est autorisée à prendre des cours. Mais peu à peu, après 1950, le changement est favorable pour «  ressusciter » la danse. Dans le même temps on découvre que les Maharis étaient les épouses de Jagannath, mais la danse est perdue ; l’Odisha voit dans la restauration de la danse l’occasion d’affirmer sa singularité régionale. Jagannath en devient le symbole comme Nataraja l’est pour le baratha natyam (qui a vécu la même chose)

 

Cependant,  la danse va renaître non pas dans les temples, mais au théâtre. C’est un fait à noter important.  C’est à ce moment que la danse va prendre le nom d’Odissi ;  en 1953, à Cuttack,   Priyambada Mohanty présente une pièce de quelques minutes lors d’un festival et l’un des membres du jury, le docteur Charles Fabri, historien de l’art, la «  baptise » Odissi

 

 

Jayantika et les pionniers de l’Odissi

 

 

Se forme alors un groupe de recherche, en 1957, appelé le Jayantika et composé de ceux qui seront les pionniers de la reconstruction (ou plutôt recréation) de l’Odissi : parmi eux : Pankaj Charan Das, Kelucharan Mohapatra,  Deb Prasad Das, Mayadhar Rauth.

 

Ils vont abondamment puiser dans la tradition des gotipuas[3], jeunes garçons élevés comme des danseuses dont les chorégraphies «  régionales » sont assez acrobatiques ; c’est là qu’ils puisent le matériel rythmique, mélodique, chanté ; ils s’inspirent aussi de ce que la baratha-natyam a construit ;  les sculptures sont examinées soigneusement et toutes leurs postures et gestes sont répertoriées. Les traités théâtraux seront aussi examinés à la loupe tel le natya sastra du légendaire Barathi (qui donnera son nom à l’Inde). On s’inspire de Jayadeva et de ses poèmes pour construire des abhinayas. La danseuse Sanjukta Panigrahi sera une collaboratrice très importante pour Kelucharan Mohapatra, même si son travail restera dans l’ombre du guru et pour cause, voir un peu plus loin. Malheureusement, très vite, les pionniers ne seront pas d’accord entre eux, et chacun finira par travailler dans son coin, plus ou moins amer et/ou fâché à vie.

 

Malgré tout, le répertoire va quand même surgir entre les années 1960 et 1970

 

En 1968, le Dr Vatsyayan souligne le fait que tous les styles de danse classiques partagent le principe fondamental qu’elles constituent des formes de sadhana[4]. Ses écrits vont avoir un grand retentissement et sont la cause de l’intérêt grandissant pour la danse indienne « classicisée » comme l’Odissi ou le baratha natyam, d’un point de vue philosophique.

 

Cette même idée va renforcer le statu du guru comme gardien de la connaissance. Il se met à bénéficier d’une inconditionnelle déférence et cela créé des hiérarchies pas toujours propices au but recherché à travers la danse. Ils se déclarent seuls gardiens de la connaissance, et leurs élèves, principalement des filles, sont à la fois leurs interprètes et leurs mécènes. Elles paient leur enseignement, leur permettant  ainsi de vivre et de mener leurs recherches.

 

Mais de là découlent deux problématiques : premièrement,  l’élève doit accepter tel quel l’enseignement sans jamais remettre en cause l’enseignement  ni le pouvoir «  spirituel » de son guru ; deuxièmement,  la danse enseignée est présentée comme étant ancestrale et authentique alors qu’elle n’a même pas une vingtaine d’années dans les années 1970. Jusqu’aux années 2000, plusieurs témoignages confirment l’abandon absolu au guru, sous prétexte de faire mourir son ego ; le souci, c’est que l’ego du guru, lui, était souvent bien actif !

 

Delà découlent plusieurs peurs, craintes, blocages cher les élèves/interprètes :

  • Celle d’être exclu et de perdre le lien avec le spirituel si on ose se séparer de son guru ou si on prend des cours avec un autre guru pour découvrir un autre enseignement, ce qui est – tacitement ou pas – interdit.
  • L’interdiction de modifier quoi que ce soit dans la pratique dansée ; tout est fait au millimètre, ce qui fait que tout le monde danse exactement la même chose de la même façon dans chaque école ou le  guru s’autoproclame guru.
  • L’impossibilité de créer un répertoire autre que celui que le guru transmet sous peine là aussi d’exclusion. Cette exclusion est terrifiante pour des élèves soumis, qui ont pleine confiance en leur guru et en sa manne spirituelle qui leur est alors retirée.

 

Rekha Tandom écrit : «  Ironiquement, l’hésitation et l’incapacité des danseurs qualifiés à travailler avec des visions différentes, indépendantes, reste directement proportionnelle à l’intensité de la relation guru-élève qui sous entend que son ego doit céder devant lui. Ce qui fait que tout le monde accepte de façon inconditionnelle la parole du guru. »

 

Dinanath Pathy, artiste indien à l’esprit avisé, quant à lui, écrit : «  La danse qu’ils créèrent ou fabriquèrent n’était pas authentiquement traditionnelle mais authentiquement contemporaine »

 

Une autre chose est aussi à souligner par rapport à la transmission de cet « héritage ancestral et authentique » : le guru, gardien jaloux du style, pouvait très bien à 20 ans d’écart, transmettre une chorégraphie dont le titre n’avait pas changé mais qui modifiée, remaniée, transformée, présentait  en un mot d’importants changements…

 

Enfin, il est bon de savoir que chaque école détermine ce qui est correct ou incorrect suivant ses propres critères puisque le groupe Jayantika n’a eu qu’une durée de vie très courte, quelques années seulement, avant que tout le monde se sépare pour travailler dans son coin, plus ou moins fâché, vexé, meurtri.

 Ce correct/incorrect n’est, d’ailleurs, jamais expliqué ou analysé par le guru : c’est comme ça, un point c’est tout. De même, toute discussion métaphysique est complètement absente des cours de danse…

 

Enfin, quant au lien avec le tantrisme, ce qui est certain c’est que pendant plus de quatre siècle, le tantrisme avait une telle mauvaise réputation en Inde qu’il fut progressivement délibérément ignoré (au moins en apparence car son enseignement continua dans le secret) ; on lui associait le sexe, ce qui faisait frissonner d’horreur l’Inde toute entière devenue, sous son double joug musulman et anglais, puritaine. 

La grande contradiction aujourd’hui est que tout le monde admet que l’Odissi recréé de toute pièce aujourd’hui est par nature spirituelle, tantrique, mais personne n’en apporte la moindre preuve.

Beaucoup pensent qu’il suffit d’être éveillé à soi-même (comment ? mystère !) pour que la danse se fasse à travers le danseur indépendamment de lui et soit la preuve de sa nature spirituelle. Encore sans doute une histoire de «  pleine conscience » tellement à la mode aujourd’hui, mais qui s’acquiert «  sans effort ». Pourtant,  l’une des triades tantriques est : Iccha Jnana Kryia : volonté, connaissance, action.

 

[1] Principe philosophique que cherche à unir conscience ( shiva) et énergie ( shakti)  pour fusionner dans le Soi – parashiva- en utilisant les différents corps ou koshas considérés comme temple grâce auquel l’alchimie peut se faire à travers des techniques qui utilisent le corps comme creuset et point de départ.

[2] Natya est un terme sanskrit qui désigne tout performance théâtrale, y compris la danse, et bien avant la création des théâtres puisque le natya sastra – traité de natya – attribué à Barratha

[3] On sait peu de choses sur l’historique des gotipuas, sans doute comme les onnagatas, hommes qui remplacent les actrices sur scène interdites à la même époque au Japon, deviennent-ils les dépositaires de la danse car les femmes n’en n’ont plus le droit. On a alors eu recours à de jeunes garçons aux traits féminins jusqu’à ce que la puberté leur fasse perdre leur aspect féminin

[4] En sanskrit sadhana साधन  signifie réalisation ; dans un contexte spirituel, il désigne l’engagement dans une voie mystique, quelle qu’elle soit,  par une pratique quotidienne, qui n’est pas nécessairement physique.

 

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17 mars 2021 3 17 /03 /mars /2021 12:13

 

 

 

Jean-Claude carrière, homme de lettres pluriel, auteur, adaptateur de génie du Hussard sur le toit, scénariste tout aussi génial du Danton de Zulawski, et de dizaines d'autres films, écrivain prolifique, homme de théâtre, et parfois même acteur est mort le 8 février dernier. Dans un hors série de philosophie magazine, il parlait longuement de l’Inde et de ses dieux. Il s’est rendu en Inde 47 fois:  dans les années 80, il y a séjourné très longuement avec Peter Brook pour préparer l’adapatation du Mahabharata en pièce de théâtre. La page wikipédia qui retrace sa carrière, omet cette  œuvre! C'est pourtant celle qui me reste en mémoire, car c'est elle qui m’a, pour la première fois,  mise de plein-pieds avec le Mahabharata : avec l’excentrique Peter Brook, ils travaillent donc de longues années sur ce texte,  pour le présenter à Avignon en 1985. Quand on connaît la longueur démesurée de  ce texte, on ne peut que s’émerveiller de les savoir parvenus à créer  une pièce de théatre de 9 heures. Plus tard, elle fut l’objet d’un film de la même durée pour la télévision… que je découvrais complètement fascinée en 1989.

9 heures de feuilletons sur un texte parfaitement inconnu, jamais évoqué au lycée, et pourtant traduit en français dans sa presque totalité! Un exploit à saluer avec reconnaissance.

Ce feuilleton était, comme toutes les œuvres de Peter Brook, brillante, épurée, poétique, synthétique, puissante, virtuose et visuellement d’une beauté à couper le souffle dans sa simplicité, presque son dépouillement. C’est là que je découvrais deux de mes héros préférés : Arjuna et Ganesh  qui se coupe une défense pour écrire le Mahabharata sous la guidance du poète Vyasa. J’ai encore le CD de la bande originale, magnifique, qui accompagnait le récit en un subtil  mélange de musique indienne classique métissée d’accents plus contemporains.

Maha, en sanskrit, c’est «  grande » et Bharata est le nom qui désigne l’Inde.  Ce texte est pour tous les Indiens un texte fondateur.  L’offrir pour ainsi dire en cadeau à la télévision, à une heure de grande écoute, à des gens ( dont je faisais partie) qui n’avaient jamais entendu parler du Mahabharata, c’est un exploit que la télé n’offre plus guère aujourd’hui. Et pourtant, quelle merveille !

Je n’oublierai jamais Vittorio Mezzogiorno, décédé depuis, dans le rôle d’Arjuna, bandant son arc en direction d’un aigle (dans le texte, c’est un poisson) et déclarant à Drona qui lui enseignait le tir à l’arc et lui demandait ce qu'il voyait, quand tous ses frères étaient distraient par le décor, le ciel, les nuages, les arbres, les plumes de l'oiseau : «  je ne vois que son œil ! »  «  Alors, tu peux tirer » ! lui déclare Drona, lui donnant une première leçon de yoga.

 

Depuis, j’ai cherché à me procurer ce magnifique film en DVD…. Il a été condensé en deux misérables DVD de deux misérables heures, qui font perdre complètement le fil de cette histoire initiatique, philosophique, guerrière et poétique… j’en ai pleuré ! C’est une mise à mort de ce travail qui perd toute sa saveur, son sens, son esprit, sa poésie… c’est un carnage en un mot, une abomination ! L’Inde aime prendre son temps et pour satisfaire à l’Occident qui consomme vite et mal, on réduit à deux heures une épopée de 9 heures !

J’ai du mal à comprendre qu’à une époque comme la nôtre, on ne cherche pas à conserver  et à diffuser d’authentiques chefs d’œuvres, puisque le coût de la réédition n’est pas très importante trente ans plus tard.

 Par la suite, j’ai cherché à lire le Mahabharata pour mieux m’en imprégner et une fois encore, c’est Jean Claude Carrière qui m’a permis d’entrer dans ce texte dense, touffu, avec des digressions infinies, des milliers de personnages… sa «  compilation » du Mahabharata est un petit bijou : facile à lire, parfois drôle, ou émouvante, ou tragique, elle emprunte mille tons pour narrer la guerre quasi fratricide entre deux clans, à cause d’un jeu de dé…

La version qu’en propose Démétrian semble à côté bien austère même si, bien sûr, elle est loin d’être dénuée d’intérêt.

C’était tout l’art de Jean-Claude Carrière : adapter en gardant un ton, une fraîcheur, une vie, une poésie, qui enchante, qui stimule l’imagination, qui nourrit l’âme en profondeur. Son œuvre est profondément humaine, vivante.

 

Par cet article, je rends hommage  à ce génie polymorphe qui restera éternellement pour moi l’homme qui m’a fait découvrir et aimer, avec Peter Brook, bien sûr, le Mahabharata.

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27 octobre 2019 7 27 /10 /octobre /2019 17:52

Mystique depuis toujours, quand j’ai commencé à étudier l’art, c’était dans l’idée d’honorer Dieu ; j’avais de qui tenir car mes deux aieules avaient toutes deux perdu leur mari à la guerre, l’une en 1916 et l’autre en 1941. Mon arrière-grand mère se retira à la mort de son mari chez les Bénédictines à Poyanne; sa fille, ma grand-mère   alors âgée de quatre ans, perdra elle aussi son mari à la guerre et rejoindra à  sa retraite  une communauté religieuse.

 Je ne comprenais pas bien, même si je n’avais pas les mots pour le dire alors, qu’on puisse considérer l’art comme un divertissement. Encore moins, comme aujourd’hui , pour nous plonger dans l’ultra réalité de la violence de notre monde ainsi que le veulent ces metteurs en scène qui font une relecture de Guillaume Tell, des Indes Galantes, de Parsifal, de Giselle... etc. Comme si on avait besoin d'eux pour comprendre l'actualité... comme si notre monde n'était pas assez visible dans sa cruauté grâce aux médias... mais surtout, comme si ces oeuvres avaient besoin qu'on les réactualise! Le spectateur n'est pas bête, et est capable, quand une oeuvre d'art est géniale, de faire le lien TOUT SEUL entre présent et passé! Combien d'auteurs latins m'ont bouleversée par leur étonnante modernité!

Pour moi, l’art est une prière.  Une cellule de moine me suffit pour chanter, jouer de la musique, une forêt pour danser. Et j’ai d’ailleurs pendant un certain temps hésiter entre une vie monacale, et une vie   « dans le monde ». Aujourd’hui, grâce à Maharshi, cette contradiction n’existe plus

Il m’a néanmoins fallu attendre pour ainsi dire mes 50 ans pour découvrir que Kelucharan Mohapatra, l’un des Indiens qui a «  ressuscité » la danse odissi au milieu du 20ème siècle, était  un père spirituel ; il disait : «  quand je danse, les gens pensent que je danse, mais en réalité, je prie. »

Prier, qu’est-ce que c’est ? Se fondre au tout, à l’univers, perdre sa forme, son moi, son être, s’abandonner. Rejoindre le tout. Et l'art le permet magnifiquement.

C’est ce que les grands artistes font naturellement tel autrefois Noureev, ou Nicolas Le Riche, et sans doute Mozart quand il composait : il n’était plus alors qu’un passeur.  Milos Forman le fait dire sublimement par la bouche de Salieri dans son film Amadeus, prénom qui signifie  aimé de Dieu, en latin. J’ignore si ces êtres sont ou étaient mystiques, mais ils s’abandonnaient tellement sur scène, ils faisaient un tel don d’eux-mêmes à travers la danse, la musique, le théâtre qu’ils n’étaient plus «  personne » : juste un cristal diffusant pour tout leur public une incroyable lumière d’une pureté inouïe. C’est cette forme d’art qui me touche le plus.

Certains sont d’éblouissants «  techniciens » ; ce que veut dire d’ailleurs les mots en latin, «  ars » ou « techné »  en grec : ces mots désignent un savoir faire ; ils ont pris un autre sens assez récemment dans notre vocabulaire. Ces artistes éblouissent mais ne renoncent pas à être eux : ce sont des stars magnifiques, mais si vous osez émettre la moindre critique sur eux, ils se jettent sur vous toutes griffes dehors, tel ce danseur étoile qui m’avait envoyé un mail furieux après un  de mes post pourtant modéré sur un forum. Tel autre  chanteur populaire giflant un journaliste qui s’amuse à ne pas le reconnaître et l’appelle d’un autre nom.

Ce qui ne les empêche pas parfois d’être passeurs malgré eux. Une force plus grande qu’eux les traverse  et illumine leur public : Callas, Guillem, Freddy Mercury et tant d’autres. En ont-ils conscience ? 

Certains artistes utilisent l’art soit pour «  s’auto promouvoir », être célèbres, ou bien encore pour résoudre leur mal-être : l’art devient thérapeutique et nombreux sont aujourd’hui ces artistes qui nous projettent à la face leur névrose, certains avec talent. Avec génie. Après tout, pourquoi pas ?  Chacun suit sa route.

 

Mais si je reviens à l’artiste tel que je le pensais enfant, tel que j’en ai découvert beaucoup ensuite, tel qu’il sous-tend tout  l’art indien classique (d’ailleurs en Indonésie, le mot artiste n’existe pas, tous les villageois ont une place dans les célébrations théâtrales, musicales et dansées en l’honneur des dieux) je comprends pourquoi tel qui a moins de technique que tel autre me touchera plus.

 

C’est pour cela aussi que le ballet classique peut être d’une immense beauté ; quand les danseuses dansent l’un des 32 cygnes en comprenant qu’elles sont Je au pluriel, comme l’écrivait si joliment l’une d’entre elles, qu’ un seul souffle les anime toutes, qu'elles forment un tout, qu’elles n’éprouvent pas le besoin de sortir du lot pour se montrer au public, celui-ci ressent cette beauté, cette force, cette «  prière », même s’il ne lui donne pas ce mot.

 

 

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11 juillet 2014 5 11 /07 /juillet /2014 17:13

 

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                                                     il y a une erreur sur l'année! il faut lire 2014! 

 

 

 

 

 

Le festival Ratha Yatra se déroule à Paris depuis 22 ans déjà. De nouvelles éditions commencent à naître dans d’autres villes de province.

 

Ce festival met à l’honneur le dieu Jagganath, l’un des avatars de Vishnou que l’on connaît aussi comme Krishna ou encore Rama,  héros du Mahabaratha ou du Ramayana.

 

Vishnou est le dieu qui protège le monde dans la trilogie indienne.  Cette année, ce festival tombait le même jour que la grande fête qui a lieu à Puri en Inde.

 

 

 

Lors de ce festival qui a eu lieu cette année le 29 juin 2014, un grand char est tiré à travers la ville, avec les images inachevées de Subhadra et Balarama, sœur et frère de Jagganath.

 

 

 

Sur la place du Bellay, sur laquelle se dresse la fontaine des Innocents à Paris, se tenaient différents stands indiens et une scène y était dressée.

 

 

 


 

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Musiciens, danseurs, chants dévotionnels se sont succédés.  Sharmila Sharma a dansé du Kathak avec ses danseuses/seurs.

 

 

 

Mahina Khanum participait avec son groupe à ce festival ; les belles danseuses ont   accueilli l’arrivée du char. Kali Chandrasegaram, danseur d’Odissi qui vit à Londres, s’était joint à elle ainsi que moi-même.

 

Profondément émue par les chants dévotionnels qui ont procédé l’arrivée du char vers 17h30 - les  Bhajans, ou chants sacrés, ont un peu un rôle similaire au yoga- j’ai perçu très nettement   le changement de  fréquence vibratoire qui s’est élevée peu à peu.

 

 

 

mahi-et-kali.JPGMalgré les mouvements de foule, les allées et venues des uns et des autres, dont nombre de touristes et de passants, on pouvait vraiment percevoir cette vibration si particulière dans l’air.

 

Puis le char est apparu, et là, le sens dévotion prit tout son sens ; le cœur ne fait qu’un bond à sa vue, comme une amoureuse lorsqu’elle voit son bien-aimé guetté longtemps, à l’horizon. Et dans ce bond de l’âme, il y la spontaneïté, la joie, l’amour.

 

 

 

Tout était donc en place  pour accueillir la danse Odissi.

 

 

 

Kali et Mahina ont dansé une chorégraphie pour célébrer Jagganath, portant encore plus loin la dévotion et les vibrations très puissantes à ce moment là. L’essence même du sacré était tangible. Que les gens dans la foule l’aient perçu ou pas importe peu car tous l’ont de toutes façons reçue.

 

 

 

C’est donc particulièrement émue et très humblement que je suis montée sur scène, cherchant du mieux possible à exprimer ma dévotion et ma reconnaissance pour ce moment si particulier.

 

 

 

Le rêve de partager la dévotion «  dans la rue », comme le faisaient les toutes premières danseuses d’Odissi s’est donc réalisé sous les augures protecteurs de Jagganath a qui j’avais consacré un article quelques semaines plus tôt, sans savoir que je le célèbrerais par la danse…

 

 

 

   mahi-et-val.JPG

 

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