Bienvenue sur Ondes et vibrations, Diplômée en yoga, yoga nidra, yoga thérapeutique, je suis des études de sanskrit. Je propose ici de partager mes connaissances du yoga à travers des articles ou des vidéos de pratique, postées sur ma chaîne youtube.
La plupart des explications avancées pour ce nombre de graines, fruits d’un pin de l’Himalaya et dont le mot vient de l’assemblage rudra+ aksha, qu’on peut traduire par larmes de Rudra, Rudra étant l’une des formes de Shiva sous son aspect homme-medecin, se contentent d’attribuer à chaque chiffre une symbolique comme suit :
1 représente l’unité originelle
0 est le vide sans lequel il ne peut y avoir le retour vers l’unité
8 se place au-delà de l’espace et du temps.
Mais l’explication est plus subtile.
L’être humain, microcosme, est composé de tout ce qui se trouve dans le macrocosme. Sa forme seule lui donne l’illusion d’une séparation qui n’existe en réalité pas. La pratique spirituelle vise à faire tomber cette illusion et le mala est l’un des moyens qui peut l’y aider. Il retrouve ainsi l’unité originelle, temporairement ou définitivement, selon.
Sans télescope ni instruments de mesure astronomique, les Indiens, qui avaient une connaissance développée de l’astronomie, savaient que le diamètre du soleil est 108 fois supérieur à celui de la Terre, nombre plus proche de 109 que de 108, raison pour laquelle le mala a une 109 ème graine hors collier.
Sur le plan symbolique, le soleil est le Brahman, le Tout. En égrenant le collier de graines, le pratiquant non seulement parcourt le diamètre du soleil mais aussi il s’unit au tout; pendant plusieurs mala, tenu dans une main levée que le pouce fait tourner, le collier finit par « tourner de lui-même », l’énergie prenant le relai, pour peu que la méditation dure au moins une heure ; la fusion avec le Tout est même possible, si c’est l’état méditatif qui fait à la place du pratiquant. Car on ne médite pas. Tant qu’il y a volonté du Je, il n’y a pas de méditation.
A la fin, le pratiquant immobilise son pouce et index en chin-mudra, union du soi avec le Soi, sur la 109 graine.
Comme je vais bientôt proposer des cours de danse en ligne, odissi et indo-orientale, (c'est prévu pour juin) je commence à faire quelques petites vidéos pour la préparation du corps qui nécessite surtout des étirements ou des renforcements musculaires ; je rappelle que cela n'est pas la vocation du yoga, même si certains le croient encore! Voilà une petite préparation de 20 minutes pour les poignets, les avant-bras, le cou et la nuque (cela peut aussi servir aux musiciens, qui ont des crispations, des tensions) puis les étirements de l'arrière des cuisses, des jambes, des hanches et du dos. J'utilise les souffles rythmés du yoga, car ils permettent un travail en profondeur et évitent toute blessure. A noter que le dernier étirement remet le dos en place. Associé à d'autres techniques, il permet vraiment de garder un dos et des hanches en forme, malgré une pratique de la danse intensive, comme l'odissi par exemple.
La pratique du yoga au fil du temps…comme maintenir tamas, rajas en harmonie et accueillir sattva.
Il est assez rare que l’on commence le yoga à 20 ans et si on le fait, la plupart du temps, c’est dans une recherche de souplesse avant tout. Mais avec le temps, le corps perd de son élasticité, puis l’endurance cardio passe progressivement de 220 pulsation minute à environ 170 vers 55 ans. Si l'on danse ou que l'on fait du sport, il faut apprendre à travailler autrement et renoncer aux grands sauts, ou bien au compétitions sportives qui emmènent le cœur au delà de ses possibilités. (Pour un calcul simple, on retire son âge de 225 pulsation, si on a 55 ans par exemple, il ne faut donc pas rester à 170 pulsations minutes ni dépasser ce point de repère sur un temps trop long, sinon le cœur s’épuise et peut conduire à une « crise cardiaque ». )
C'est là que le yoga peut jouer un vrai rôle dans la vie de tous les jours!
1) Pour commencer, le yoga aide dans ces deuils successifs car ce sont des deuils. Des pertes progressives. Le yoga apprend sur le tapis à écouter sa voix intérieure, à écouter sa vibration profonde, à éveiller l’observateur impassible qui regarde avec bienveillance toutes ces mues successives, et aide à trouver peu à peu le détachement. Beaucoup de gens vivent les transformations hormonales en prenant des hormones d’appoint ou toutes sortes de choses, sans écouter le corps lui-même, et en se mettant des œillères pour ne pas voir les choses trop directement en face. Le yoga est donc vraiment précieux, à l’heure où l’image et la jeunesse sont omniprésentes dans nos sociétés. Le yoga apprend à vieillir et à l’accepter, mais sans baisser les bras. Au contraire, il accompagne ce processus naturel et prépare peu à peu au rendez-vous avec la mort.
2) Deuxièmement, les asanas peuvent toujours être pratiquées avec la même intensité intérieure, même si le corps perd de sa souplesse et/ou de sa force. On ne fera plus les grandes flexions arrière comme à 20 ans, mais, installé dans une posture, on a tout le loisir de continuer à observer comment l’énergie et le mental s’unissent pendant la tenue des asanas. On observe aussi qu’on est de plus en plus à l’aise dans l’immobilité.
C’est que rajas qui domine l’enfance et la première partie de la vie de l’individu, - cela explique pourquoi les enfants sont toujours en train de sauter, de bouger, de s’agiter, et que le pire qu’on puisse leur infliger, c’est de les immobiliser sur une chaise 7 heures par jour, comme en France, à l’école ! Ou même, le pire qu'on puisse leur faire, c'est de leur faire faire du yoga! Ce n'est pas pour eux, pas tout de suite! - rajas, disais-je s’efface peu à peu pour laisser la place à tamas. Et c’est là que le yoga joue encore son rôle : ne pas laisser tamas endormir voir momifier le corps jusqu’à lui faire perdre la mobilité. Beaucoup de techniques permettent de garder l’équilibre entre les trois gunas. Ainsi, s’il est plus « difficile » de se mettre aux postures, on est tout heureux d’entrer sans peine dans les longues pratiques méditatives grâce à ce coup de pouce de tamas, car rajas s’effaçant, il est à présent plus aisé de rester immobile, pour peu que l’on pratique le yoga depuis plusieurs années déjà, car il faut aussi que le mental ait été pacifié, sinon, on est immobile, mais le mental lui, saute comme un singe dans tous les sens !
Les mudras et le pranayama ne sont pas affectés par l’usure du corps. Puisque tout se joue sur le plan de l’énergie et que celle-ci est indépendante du corps physique.
Ainsi, le yoga permet de continuer sa route, malgré un corps physique qui vieillit peu à peu. Après, comme toujours, tout le monde est différent, sans doute certains garderont certaines facilités physiques, pour d’autres, ce sera plus difficile, c’est là tout l’héritage génétique ; si vos parents ont eu de l’arthrose, de l’ostéoporose, des problèmes de hanches ou de genoux, sans doute ne serez-vous pas épargner, mais là encore, le yoga ralentira le processus. Même chose pour le vieillisement oculaire.
Mais me direz-vous, on ne fait pas du yoga pour entretenir la jeunesse du corps ? Si ?
Je répondrai : comment voulez-vous continuer la pratique du yoga passé 60 ans si précisément le corps ne suit plus ? Donc, il est important de conserver le potentiel de ce corps physique. Bien sûr, on pourrait axer sa pratique uniquement sur les mudras, le pranayama et la méditation, c’est vrai. Mais puisque la possibilité est offerte de converser un corps en bon état, il serait dommage de renoncer aux asanas, ces pièges à énergie qui préparent si bien les mudras. La méditation, elle, amène ces états sattviques indescriptibles!
Enfin, cela explique pourquoi je n’aime pas ces idées de « yoga pour les seniors », parce que cela est un concept occidental, une fois encore. Si on débute le yoga à 60 ans, bien sûr qu’il va falloir adapter beaucoup de choses, mais si on le pratique depuis dix, quinze ou 20 ans, voire plus, on continuera intelligemment sa pratique, le yoga est du yoga, et il n’y a pas plus de yoga de la femme enceinte, que de yoga senior.
Il y l’union de la conscience et de l'énergie pour aller vers le Soi.
Je laisse la parole à Marcel Proust qui décrit ici d'une manière pleine d'humour un état de yoga nidra... ce qui est extraordinaire ( entre autre) dans ce passage, c'est sa capacité à descendre dans les profondeurs du ressenti et de l'analyse, chose si difficile en nidra, où l'on saisit en général une atmosphère, une idée, mais sans vraiment pouvoir la suivre de A à Z. Ces pages sont extraites du Côté de Guermantes, et font suite à l'épisode à Doncières, qui sont parmi les plus belles qu'il ait écrites sur la garnison et toute la jeunesse militaire qui sera fauchée par la première guerre mondiale, y compris l'ami du " narrateur", Saint-Loup.
Comme je sortais le matin après être resté éveillé toute la nuit, l’après-midi, mes parents me disaient de me coucher un peu et de chercher le sommeil. Il n’y a pas besoin pour savoir le trouver de beaucoup de réflexion, mais l’habitude y est très utile et même l’absence de la réflexion. Or, à ces heures-là, les deux me faisaient défaut. Avant de m’endormir je pensais si longtemps que je ne le pourrais, que, même endormi, il me restait un peu de pensée. Ce n’était qu’une lueur dans la presque obscurité, mais elle suffisait pour faire se refléter dans mon sommeil, d’abord l’idée que je ne pourrais dormir, puis, reflet de ce reflet, l’idée que c’était en dormant que j’avais eu l’idée que je ne dormais pas, puis, par une réfraction nouvelle, mon éveil… à un nouveau somme où je voulais raconter à des amis qui étaient entrés dans ma chambre que, tout à l’heure en dormant, j’avais cru que je ne dormais pas. Ces ombres étaient à peine distinctes ; il eût fallu une grande et bien vaine délicatesse de perception pour les saisir. Ainsi plus tard, à Venise, bien après le coucher du soleil, quand il semble qu’il fasse tout à fait nuit, j’ai vu, grâce à l’écho invisible pourtant d’une dernière note de lumière indéfiniment tenue sur les canaux comme par l’effet de quelque pédale optique, les reflets des palais déroulés comme à tout jamais en velours plus noir sur le gris crépusculaire des eaux. Un de mes rêves était la synthèse de ce que mon imagination avait souvent cherché à se représenter, pendant la veille, d’un certain paysage marin et de son passé médiéval. Dans mon sommeil je voyais une cité gothique au milieu d’une mer aux flots immobilisés comme sur un vitrail. Un bras de mer divisait en deux la ville ; l’eau verte s’étendait à mes pieds ; elle baignait sur la rive opposée une église orientale, puis des maisons qui existaient encore dans le XIVe siècle, si bien qu’aller vers elles, c’eût été remonter le cours des âges. Ce rêve où la nature avait appris l’art, où la mer était devenue gothique, ce rêve où je désirais, où je croyais aborder à l’impossible, il me semblait l’avoir déjà fait souvent. Mais comme c’est le propre de ce qu’on imagine en dormant de se multiplier dans le passé, et de paraître, bien qu’étant nouveau, familier, je crus m’être trompé. Je m’aperçus au contraire que je faisais en effet souvent ce rêve.
Les amoindrissements mêmes qui caractérisent le sommeil se reflétaient dans le mien, mais d’une façon symbolique : je ne pouvais pas dans l’obscurité distinguer le visage des amis qui étaient là, car on dort les yeux fermés ; moi qui me tenais sans fin des raisonnements verbaux en rêvant, dès que je voulais parler à ces amis je sentais le son s’arrêter dans ma gorge, car on ne parle pas distinctement dans le sommeil ; je voulais aller à eux et je ne pouvais pas déplacer mes jambes, car on n’y marche pas non plus ; et tout à coup, j’avais honte de paraître devant eux, car on dort déshabillé. Telle, les yeux aveugles, les lèvres scellées, les jambes liées, le corps nu, la figure du sommeil que projetait mon sommeil lui-même avait l’air de ces grandes figures allégoriques où Giotto a représenté l’Envie avec un serpent dans la bouche, et que Swann m’avait données.
Yoga, Soi et pouvoirs occultes ou magiques! ( Quel programme!)
Depuis que j’enseigne, j’ai eu quelquefois bien que rarement des demandes incongrues de personnes qui, au bout de six mois de cours plus ou moins réguliers, me disent qu’ils sont très déçus car ils espéraient acquérir des pouvoirs magiques : ils pensaient qu’ils seraient capables de quitter leur corps, de naviguer dans l’Akasha, de rencontrer des maîtres, de voir le futur. Ils ont d’ailleurs lu sur le net que certains ont ces pouvoirs. Et comme je leur réponds que ce n’est pas le but du yoga, et qu'ils ne m'avaient pas dit que c'était là leur quête en s'inscrivant à mes cours, souvent ils ne continuent. Je suppose qu’ils vont chercher leur bonheur ailleurs ou bien encore qu'ils pensent que je n'y connais rien! Ce qui n’est nullement un souci car chacun est libre de faire sa route comme il l’entend.
Mais puisque je tiens ce blog, et bien j’en profite pour éclaircir quelques points difficilement accessibles par l’intellect, le raisonnement, ou toute autre chose de ce genre.
Les êtres réalisés – Jésus, Bouddha, Shankara, Maharshi ou d’autres – ont tous fait l’expérience du Soi, c'est-à-dire de la totalité. Ils ont vécu en direct cette fusion d’avec le Tout. Ce tout englobe l’univers lui-même puisqu’il prend sa source même en lui. Il n’y a aucun mot pour décrire cela, seulement des images. Mais toutes malheureusement sont bancales, car l’intellect la plupart du temps ne peut se représenter que le monde manifesté et pas le Tout.
Le deuxième souci qui empêche de comprendre cela est l’identification de l'individu d’avec le corps. Les neurosciences d’aujourd’hui n’aident d’ailleurs en rien.
La troisième est de faire un mélange entre la pensée, le fait de penser et l’âme.
D’aucun diront que l’âme n’existe pas, que tout est dans le cerveau et périt avec lui.
Soit.
Une fois ces « problèmes » écartés, tout est plus facile à percevoir, car il ne s’agit pas de comprendre. La perception se fait par l’intuition pure qui est la connaissance en direct, sans filtre déformant. Si vous avez fait l’expérience de comprendre que votre mental n’est qu’un poste de radio qui fonctionne jour et nuit, d’avoir senti que votre corps n’est qu’un véhicule, comme on monte dans une auto – il y a bien des gens pour qui la voiture est la prolongation d’eux-mêmes, d’ailleurs, haha ! – et bien, sans doute comprendrez-vous mieux ce qui suit.
Avoir tous ces pouvoirs extraordinaires n’apportent rien de plus à la réalisation. On peut être clairvoyant, clair-audiant, télépathe, guérisseur, avoir le don d’ubiquité, être capable de quitter son corps et de se balader comme dans Inception, tout cela se fait dans le monde manifesté certes un peu plus vaste voir beaucoup plus vaste que le monde « quotidien » mais au fond guère plus. Même David Bowman, dans 2001 du génial et mystique AC Clark, n'a pas rejoint l'absolu même s'il est devenu l'enfant des étoiles, récupéré qu'il a été par des ET après avoir été éjecté de son vaisseau par l'affreux ordinateur Hall 9000 ( initié par le professeur Chandra, ce qui veut dire lune en sanskrit).
Le cinéma d’aujourd’hui le montre d’ailleurs très bien : les super héros sont en général tous très malheureux, malgré leurs magnifiques pouvoirs, qu’ils s’appellent Magneto, le Professeur Xaxier, Captain America, Thor, Jean ou Mystic, Docteur Strange ( je les aime tous! ) et j’en passe : eux aussi sont à la recherche de l’absolu !
La mythologie grecque ou germanique ne dit pas autre chose : les pouvoirs n’ont rendu heureux, ni Wotan, ni Cassandre, ni Tirésias !
Une fois de plus, je laisse la parole à Maharshi,qui était souvent sollicité sur ce genre de questions ; voici ce qu’il répond à un de ses visiteurs à Tiruvannamalai.
Question : n’est ce pas une bonne chose que d’acquérir des pouvoirs occultes, comme la télépathie, la vision, ce qu’on appelle les siddhis ?
Maharsi : Toutes ces facultés sont des facultés du mental, qu’on voie ou entende de près ou de loin ne change rien au fait de voir ou d’entendre. Le facteur fondamental c’est l’auditeur, le sujet ; en l’absence d’auditeur ou de voyant, il ne peut pas y avoir d’audition ou de vision. Les pouvoirs occultes sont aussi des fonctions du mental. Ils ne sont pas naturels au Soi. Ce qui n’est pas naturel mais acquis ne peut pas être permanent et ne vaut pas la peine que l’on s’efforce de l’obtenir.
Les siddhis sont des pouvoirs à longue portée. Un homme ordinaire a des pouvoirs limités et se sent misérable. Il cherche à augmenter ses pouvoirs afin d’être heureux. Y parviendra-t-il vraiment ? Si l’on considère que les gens sont malheureux avec des facultés de perception limitées, alors on peut en conclure que leurs malheurs s’accroîtront proportionnellement à l’augmentation de celles-ci. Les pouvoirs occultes n’apporteront jamais de bonheur à qui que ce soit, bien au contraire, ils le rendront d’autant plus malheureux !
Par ailleurs, à quoi servent ces pouvoirs ? Le soi-disant occultiste désire exposer ses pouvoirs afin d’être apprécié par les autres. Il recherche la reconnaissance et s’il n’en reçoit pas autant qu’il le voudrait, il est malheureux. Il faut absolument que les autres l’apprécient. Il peut même rencontrer quelqu’un dont les pouvoirs sont supérieurs aux siens. Il en éprouvera de la jalousie. Un grand occultiste peut toujours rencontrer un occultiste encore plus grand que lui et ainsi de suite jusqu’à ce que survienne quelqu’un qui volatilisera tout en un clin d’œil. Un tel personnage est le plus haut adepte et il est Dieu ou le Soi.
Je me suis longtemps demandé pourquoi j’étais aussi fidèle à cet écrivain rencontré il y a maintenant 50 ans, que je relis en boucle et que j’écoute en audiobook, Dussolier et Galienne étant mes lecteurs d’élection tant leurs lectures m’ouvrent de nouveaux pans de compréhension et de délice ; ma première rencontre avec Marcel eut lieu en classe de 4e. En lisant par hasard dans notre manuel de lecture l’ extrait des « trois petits coups frappés à la cloison », je suis tombée en amour, « stupéfixée », tout comme quatre ans auparavant j’étais tombée en amour de Chateaubriand par la grâce d’ « A Combourg » que nous avions dans notre petit fascicule chant-poésie de CM2. Mais Chateaubriand est passé, Proust est resté.
J’ai la certitude aujourd’hui que Proust aurait adoré faire du yoga ! Pas du hatha yoga, non, lui qui souffrait d’un asthme terrible, et il n’y avait pas de ventoline à l’époque. Mais du yoga nidra. Après une première partie de vie mondaine, son asthme l’a obligé à s'alliter du matin au soir, ne se levant certains jours pas du tout, ne mangeant chaque jour qu’un croissant et ne buvant qu' une tasse de café au lait. Céleste Albaret, sa dernière gouvernante, pense qu’il ne dormait jamais. Sans doute avait-il cette faculté naturelle d’entrer dans cet entre-deux du yoga nidra. Il utilise cette zone entre veille et sommeil pour comprendre « je », le temps, le monde, le désir, la mort, tous les grands thèmes de la vie, qu’on explore en nidra, auxquels il apporte souvent des réponses fulgurantes. Son asthme l’obligeait à faire toutes sortes de fumigations quotidiennes et à prendre du datura à haute dose (plus que ce que son médecin lui prescrivait) ce qui le mettait précisément en nidra car le datura est aussi un narcoleptique puissant.
On peut, en lisant Proust, trouver des pages entières qui semblent naître d’un esprit « en nidra. » Par exemple, au début de du côté de chez Swann, la description du réveil est typique de ce que l’on cherche en yoga. Il n’y a que la vibration du Je, le mental, ou le monde, n’a pas encore réapparu ; il n’y a pas encore d’identification du « je –ahamkâra » avec le corps ; puis le mental se remet en place via ahamkâra (l’organe de perception du mental), l’identification avec le corps se « remet »en place également. Dans ce laps de temps, Proust explique qu’il ne sait plus dans quel chambre il y est et passe en revue toutes les chambres où il a dormi ; la description, d’une poésie inouïe, restitue parfaitement cette zone où le mental ordinaire n’est pas encore complètement reconnecté et où les choses les plus saugrenues apparaissent sans qu’on s’en étonne.
On a beaucoup écrit sur la fameuse madeleine ; des dizaines d’ouvrages, d’articles, d’analyses, expliquent cette scène d’un souvenir lointain (Combray, quand il avait peut-être 8 ou 10 ans) ressurgit plusieurs années plus tard (avec Proust, le temps a une élasticité prodigieuse et on ne sait jamais quel âge à le Narrateur qui d’ailleurs n’EST PAS Proust, mais le Narrateur. Un « je » qui est un autre faux « je » ! Proust s’amuse bien ! ). Mais le yoga expliquerait que Proust est en contact direct avec les cakras du goût et de l’odorat, où se fixent en partie les samskâras qui viennent animer le mental. Hypersensible, il a cette faculté non seulement de revivre un souvenir qui surgit de sa tasse de thé, mais surtout, d’en tirer une philosophie du temps. Il perçoit dès lors la présence d’un faux « je », celui qui pense, vit, respire, et d’un autre « Je » intemporel, celui-là qui n’est autre que le Soi. Le souvenir l’emmène au-delà d’une émotion liée au passé, elle l’emmène au-delà de l’espace et du temps, vers le Soi lui-même.
D’ailleurs, tout au long des 2000 pages, Proust revient souvent vers ces multiples « je » qui sont liés au temps, mais qui ne sont pas « lui ». Il a la certitude très précise que ces multiples je sont liés à la vie incarnée sur Terre. Dès les premières pages, d’ailleurs, il parle de métempsychose, et d’entités qu’on libère si elles se trouvent prisonnières d’objets en pensant à elles et en les reconnaissant dans des formes qui n’étaient autrefois pas les leurs.
La madeleine ouvre la Recherche comme les deux dalles disjointes la referment dans le Temps retrouvé. Ce nouveau souvenir-sensation- permet la mise au point de toute sa philosophie. Les deux dalles lui restituent tout à coup une Venise qu’il s’est efforcé de fixer dans son souvenir par la force de sa volonté quand il l’a visité, mais en vain. Il a échoué à saisir l’essence même de Venise ; il n’en a capté que des images vides, il n’est pas entré en elle, mais est resté extérieur à elle. Tout d’abord, il ne comprend pas ce qui se passe, et répète l’expérience de la marche trébuchante sur le dallage inégal, obligeant le souvenir-sensation à quitter la zone des cakras pour mettre en vibration dans la mémoire le souvenir-sensation captif. Cette fois-ci c’est le sens du toucher (cakra du cœur) et de la marche (muladhara) qui entrent en vibration. Et il lui revient alors qu’il a trébuché de la même façon sur la place Saint-Marc mais il va plus loin. Ce n’est pas le souvenir qui l’intéresse, mais ce que le mental a fixé indépendamment de sa conscience voulant absolument tout mémoriser. Il n’utilise bien sûr par la philosophie indienne pour dire que notre mémoire active fixe des images, mais que nos centres d’énergie, les cakras, les captent bien mieux qu’elle et peuvent ensuite restituer le tout. Ce même jour, d’autres sensations liées à l’ouïe (tintement d’une cuillère), à la vue ( François le Champi) lui restitue des pans entiers de sa vie. Il explique alors aussi clairement qu’un yogi qu’on n’est pas maître de sa vie, que les choses se passent indépendamment de l’état de veille, mais qu’à la faveur d’un incident qu’on ne maîtrise pas, l’événement vécu dans l’ombre peut arriver en plein jour, et nous mettre en contact avec non pas le passé (on a très mal compris Proust !) mais l’éternité ! Quelque chose qui transcende l’ego, l’espace et le temps. Voilà toute la philosophie de Proust : nous sommes des êtres de lumière, complètement réalisés, transcendant l’espace et le temps. Et cette découverte nous affranchit de la peur de la mort !
Je pourrai ainsi m’amuser à passer au crible bien des pages de Proust qui ont été écrites par quelqu’un qui a connecté le Soi très souvent. Il a parfaitement compris le rôle du mental, et vu le monde entier comme le mental, en sachant qu’une réalité supérieure le transcendait. Dans un autre article, sans doute continuerai-je à explorer très humblement quelques petits bouts de cette œuvre monumentale.
Encore une chose. Le « dharma » de Proust. Il a eu conscience d’être venu écrire la Recherche et, tout en se sachant excellent écrivain, il a expliqué qu’il n’était pas l’auteur de ses actes. Dans la Recherche, il explique que l’artiste ne fait que « capter » une œuvre qui existe indépendamment de lui et que son rôle est, comme un médium, de la saisir et de l’incarner dans l’espace-temps terrestre. L’artiste n’est pas « créateur », mais « découvreur ». La Recherche devait être découverte, et c’est au « je-Proust » que cette tâche a été confiée. Proust a conscience que rien n’est « trouvé » ni créé, que tout existe déjà et qu’on re-découvre simplement les choses en permanence, s’en croyant l’auteur, le faiseur, quand on en est que le « spectateur » ; il sait et écrit que le « je » n’est pas l’auteur de ses actes ; qu’il existe un Je supérieur – une fois encore le Soi.
Et il est conscient de son dharma ; très malade, il termine la Recherche en 1922. Où un corps aussi malade a-t-il puisé l'énergie d'écrire toutes ses pages? Grâce au guna sattva, car Proust était très sattvique. Son frère Robert, médecin comme leur père, s’occupe de lui, et il voit que Proust n’a plus la volonté de vivre maintenant qu’il a fini ce pour quoi il est venu. Encore un peu et Proust dirait que l’asthme était la condition sine qua non pour écrire la Recherche, qu’il fallait qu’il soit malade, que sinon, il aurait été un Swann toute sa vie, attiré par les lumières trompeuses du monde extérieur, dilettante raffiné, au lieu d’accomplir son dharma. En automne 1922, il ne veut pas suivre les traitements et se laisse emporter par une pneumonie. Pourquoi ? Parce que la Recherche est terminée, et qu’avec elle, il avait fini son rôle sur Terre.
L’enseignement de Maharshi est d’une simplicité extrême, encore plus simple que celui d’Anirvan, qui déjà a pourtant lui aussi beaucoup « élagué » les grands savoirs des philosophies indiennes.
Et pourtant, lorsqu’on lit les échanges entre Maharshi et ses invités, on ne peut être qu’étonné par son extraordinaire connaissance des textes, des langues, des citations entières dont il égrène ses conseils qui restent toujours les mêmes : il n’existe que deux façons pour se fondre au Soi : l’investigation par la question qui suis-je (voie suivie par Jean Klein par exemple) ou bien l’abandon total. Il explique le plus simplement du monde que le savoir yogique ou autre, ne mènent pas à la réalisation du Soi – à moins de parvenir, comme les grands yogis, à unir Kundalini à Shiva dans Sahasraha, puis à la ramener dans le cœur. Ce qui revient à dire que seule une personne sur un million y arrive.
Pour lui, il suffit de se poser en permanence la question « qui suis-je » ou bien de s’abandonner au divin dans tout ce que l’on fait pour faire jaillir la réalisation. Il insiste sur une façon de procéder constante, confiante, paisible et toujours sur le fait que c'est simple, que personne n'est séparé du Soi, que tout le monde est déjà réalisé.
Pour la première, il s’agit de chercher qui est l’auteur des pensées jusqu’à avoir épuisé toutes les couches de pensées, être remonté jusqu’à la vibration même du « Aham » (je suis) et non pas au simple « Je » qui pense (Descartes). C’est le « pense » qui empêche de remonter à la source. Il ne doit rester que Je (Aham) qui est pur vibration ( sat-chit-ananda). Tant que les pensées sont là, elles barrent la route.
Pour Maharshi, tout le monde est déjà réalisé, puisque l’univers entier est Shiva manifesté par Shakti, mais l’illusion d’être le corps, d’être celui qui agit, empêche de lever le voile pour se fondre au Soi. Cette « technique » doit être pratiquée de jour comme de nuit, pour ainsi dire sans interruption. C’est une sorte de méditation continue d’où doit percer la fulgurance de l’état d’être le tout, non séparé du Soi.
Maharshi prend souvent l’exemple de l’écran de cinéma en expliquant que quelles que soient les images projetées sur lui, que le feu détruise tout, ou bien l’eau inonde tout, l’écran n’en est pas affecté ; les images sont l’univers entier, et l’écran le Soi qui englobe tout et au-delà.
Lui-même à 16 ans est rentré chez lui un jour, sûr qu’il allait mourir ; et il s’est allongé jusqu’à se sentir mort, ce qui a duré longtemps, et quand il fut persuadé d’être mort, il s’est alors trouvé réalisé. Dans un des entretiens, il explique qu’il avait sans doute déjà acquis un savoir-faire « avant » cette vie.
La deuxième méthode est l’abandon ; l’individu abandonne ce qu’il est à une force plus grande que lui ; il remet ses actions, ses pensées comme il les remettrait à quelqu’un, en sachant qu’il n’en est pas l’auteur ; il les offre quotidiennement et là aussi de façon ininterrompue ; jusqu’à ce que là encore quelque chose lâche complètement. C’est une voie très proche à la fois du karman-yoga (je sais que je ne suis pas l’auteur de mes actions) et du bhakti yoga (j’offre à ma divinité intérieure qui m’englobe et est plus vaste que l’univers mon être tout entier)
Les deux voies sont pareillement simples, si l’individu entre dans l’une ou l’autre avec la certitude que tout est déjà accompli.
Alors, pourquoi faire du yoga?
On peut alors ensuite se demander pourquoi faire du yoga, ou toute autre technique spirituelle ?
A quoi bon, puisque de toute façon, il est clair que celui-ci, pas plus que la méditation, ne mènera à la réalisation ?
Parce que le yoga reste un outil. Un bon outil. Il y en a plein d’autres, mais une fois qu’on a trouvé le sien, il est bon de continuer avec le même en ayant la certitude que c’est celui qui nous convient.
Si l'on veut faire de la musique, on peut choisir n’importe quel instrument. Mais une fois l’instrument choisi, c’est la musique qui compte, pas l’instrument. L’instrument n’est qu’un moyen de faire de la musique. Après bien sûr, certains auront plus d'affinités avec un violon ou un orgue, selon : c’est le choix de l’outil, mais il est là au service de la musique. C’est la même chose pour le yoga. C’est un outil qui permet précisément de simplifier l’individu incarné, de le rendre à la fois plus perméable, plus poreux, plus stable, plus lumineux, de le préparer pour ainsi dire à l’une ou l’autre voie décrite par Maharshi qui ne sont alors plus de vagues promesses d’un paradis inatteignable. Elles deviennent possibles. Et le yoga est bien l'outil et pas le but.
On peut alors se demander la raison d’être de toutes ces techniques compliquées et de tout ce savoir sur les nadis, les adharas, les cakras, les vayus, les gunas, les souffles à faire comme ceci et pas comme cela, les mudras compliquées, etc. puisque visiblement, la solution est beaucoup plus simple?
Tout simplement parce que de la multitude de techniques peut jaillir un jour une étincelle qui change tout. Absolument tout!
Maharshi lui-même avait une connaissance extraordinaire des textes, des différentes voies et parlait plusieurs langues. Une fois réalisé, il voyait cependant que la frontière était si étroite entre le Soi et l’individu incarné qui se débat avec ses contradictions, qu’il a préféré mettre l’accent sur la simplicité. Le savoir risquant de faire dévier l’apprenti de sa route, en le rendant peu à peu attaché à tout ce savoir, toutes ces connaissances, en en devenant pour ainsi dire jaloux ou esclave. Ce qui est à l’opposé de ce qu’il désirait à l’origine.
L’abandon dont parle Maharshi est la grâce des mystiques dont parle Silburn qui avait obtenu la sienne d’un guru et a ensuite pu en faire bénéficier son entourage dans la région parisienne. Ce qui ne l’a pas empêchée elle aussi d’acquérir des connaissances et un savoir extraordinaire.
Cette grâce n’est jamais obtenue en faisant ceci ou cela (des bonnes actions par exemple) en suivant des règles, en se référant au bien ou au mal, etc. Elle peut surgir à tout moment. Il faut juste « être prêt ». Mais sans la volonté de l’être.
D’aucuns diront : « mais le yoga en Occident n’a rien à voir avec toute cette mystique orientale !»
Certes. Beaucoup viennent au yoga pour être moins stressés, avoir une meilleure santé, corriger des problèmes de dos ou autre, pacifier ses émotions, mieux dormir, être moins réactifs, plus calmes, avec un petit fond « exotique » en plus. C’est du yoga quand même. La promesse implicite d’acquérir sagesse, vitalité, santé, souplesse, zénitude, quoi ! Et une fois encore, pourquoi pas ? C'est déjà formidable d'acquérir ces bienfaits dans la société anxiogène dans laquelle vit l'humanité du 21ème siècle.
D’autres viennent mystérieusement attirés par lui, comme on peut l’être par le zen, ou le bouddhisme, ou toute autre voie mystique, sans savoir vraiment pourquoi, mais en sentant intuitivement que c’est « leur route » parce qu’au fond d’eux, ils sentent qu’ils cherchent quelque chose de plus vastes qu’eux-mêmes. Ils offrent à leur désir non-nommé une praxis pour la mettre en lumière.
Cela semble curieux, à l’heure ou les blogs, sites et vidéos fleurissent joyeusement sous le doux soleil du printemps et qui présentent des pratiquants heureux sur la plage, dans un champ de fleurs, sur une terrasse, souvent face au soleil en train de faire leur yoga!
Mais suivant les écoles de yoga – et chacun doit trouver la bonne, n’est-ce pas, comme dit le vieux proverbe, il s’agit de trouver chaussure à son pied - on peut aussi aller complètement à l’inverse de cette tendance, se mettre dans une toute petite pièce, avec une minuscule fenêtre dont on tirera le rideau, ou bien fermer ses volets si la pièce est grande et faire sa pratique sans ouvrir les yeux pendant toute sa séance.
On enchaînera donc les postures, les mudras, puis on fera du pranayama et on finira par la méditation, sans jamais relever ses paupières, que la séance dure une demi-heure ou trois heures. Cela veut dire avoir dégager suffisamment d'espace autour de soi, pour pouvoir faire les postures, s'asseoir, changer de position, sans se cogner dans les meubles ou autre. Cela veut dire aussi avoir à portée de main son coussin de méditation si vous en utilisez un. Et tout cela sans jamais UNE SEULE FOIS n'ouvrir les yeux!
Pour quoi ?
Et bien précisément, pour entrer plus profondément dans son intériorité et trouver sa lumière intérieure. Il est fort possible que les premières fois, vous soyez tenter de rouvrir les yeux, de regarder l’heure, ou de jeter un regard plein de regret sur les volets qui barrent la route au beau soleil du printemps.
Mais si vous persistez un peu, c’est à l’intérieur de vous que la lumière va se révéler, à tel point que parfois, vous aurez l’impression que quelqu’un a allumé un halogène puissant dans votre pièce de pratique.
Le yoga est plein de sons, de vibrations, et de lumières et cette façon de faire rend le pratiquant plus sensible à tous ces mouvements de l’énergie, jusqu’à basculer, peut être lors de la méditation dans le vide.
En procédant ainsi, vous serez à même d’observer beaucoup plus finement tout ce qui traversera votre séance – Notez bien que je ne dis pas « tout ce qui se passera » car vous resterez ainsi l’observateur tranquille et bienveillant de votre pratique.
De plus, s'habituer à faire sa pratiques les yeux clos transforme en profondeur les repères de temps et d'espace... de belles découvertes à la clé, sans doute, avec de la persévérance!
Et au moment de rouvrir les yeux, vous serez tout étonné d’être là, dans ce monde qui semble tout à coup figé, (comme les jouets qui s’immobilisent sitôt que les enfants se réveillent) , alors qu’il dansait lorsque vous aviez les yeux fermés.
Autrefois, il y a déjà plus d’une trentaine d’années, j’ai eu pour ami un pasteur swedenborgien, Claude Brûley, très versé dans les textes ésotériques et l’anthroposophie, même s’il s’en était détourné ensuite. Il aimait aussi beaucoup le Graal, la légende d’Arthur et ses chevaliers de la Table Ronde, ainsi que les symboles de ce cycle arthurien dans lequel beaucoup de valeureux chevaliers échouent dans leur quête, parce qu’au fond, ils ne savent pas vraiment ce qu’ils cherchent, se laissent souvent distraire en chemin et parfois même, trouvent la mort. Il me disait toujours que la quête du Graal, au delà du mythe de cette coupe qui aurait recueilli le sang du du Christ, comprenait trois degrés, et que cette quête, toujours d’actualité pour l’homme moderne, était menée suivant la conception de la vie et de l’univers de chacun. Selon lui, réaliser le troisième degré conduisait à l’absolu mais cela ne concernait qu’un tout petit nombre d’individus. « Tant que nous avons des joie de vivre, la roue continue » disait-il.
Pour lui, le premier degréétait le but de celui qui cherche simplement à mener une vie aussi heureuse que possible. Mais le simplement était tout relatif, car finalement, rien n’est plus difficile car l’homme se laisse piéger volontairement ou non, dans toutes sortes d’épreuves desquelles il sort parfois très affaibli et d’autres si douloureuses qu’il se trouve plus ou moins dégoûté par lui-même ou la vie. Le second degré se définissait plus difficilement. La seule vie heureuse ne représentait pas une quête suffisante en soi si elle ne s’accompagnait pas d’une véritable recherche de connaissance de soi-même ; ce second degré pouvait tout à fait prendre une vie entière. Enfin, le troisième degré n’apportait d’après lui la satisfaction à l’homme que si celui-ci trouvait quelque chose de plus grand que lui. Peut-être ne parviendrait-il pas à la hauteur de ses aspirations, mais l’homme sortait alors du cercle de la Table Ronde pour réaliser, non plus le principe d’individuation du second degré, mais la fusion d’avec le soi. Car ce troisième degré, « spirituel » au sens large du terme, se trouvait alors au cœur de l’existence de l’homme, qui, ayant déjà exploré son propre soi se sent insatisfait par lui-même et le monde extérieur, mais veut aller plus loin encore en cherchant à se fondre à l’absolu. Claude mettait souvent en parallèle le saumon qui veut retourner à sa source, celle-ci représentant pour lui les origines même de l’univers où tout « avant le commencement » ne faisait qu’un. Car, comme le dit Hubert Reeves, nous sommes tous poussières d’étoile et venons du même lieu originel, même si nous l’ignorons, ce qui au fond n’a aucune importance car nos cellules, elles, s’en souviennent qui ont traversé 15 milliards d’années. Voilà pourquoi les récits expliquent que le Graal donne l'immortalité.
Après avoir exposé ces trois degrés du Graal, Claude nous encourageait à savoir quelle quête nous voulions mener, et comment nous voulions nous y prendre. Etions-nous mus par le simple désir d’être heureux, ou bien par le désir de réaliser ce qui est inscrit au fronton du temple de Delphes, « connais toi toi-même et tu connaîtras le monde et les dieux », ou bien encore portés par quelque chose de plus vaste que nous qui nous poussaient vers une forme d’absolu ?
Perceval et le dragon
On peut dire qu’avec le yoga, les trois degrés dont me parlait Claude sont bien présents en Occident. Chacun trace son chemin, peut suivre l’un ou l’autre voie, et parfois même découvrir que les trois sont imbriquées l’une dans l’autre. Chacun tente de faire du mieux qu’il peut dans sa propre existence, et espère, lorsqu’il pratique le yoga, que celui-ci l’y aidera.
Dans ce cadre, le premier degré du yoga s’adresse au corps physique, qui comporte aussi l’esprit, les deux disparaissant à la mort. La pratique se tourne vers le bien-être ; on cherche à garder un corps souple et vigoureux, si possible en bonne santé et apaiser le mental agité qui ne cesse « de sauter de branche en branche tel un singe facétieux ». C’est le yoga du premier degré, qu’on pratique dans l’espoir de trouver la confiance, la paix, le bonheur, en plus d’un corps souple et tonique, en bonne santé.
Le second degré commence lorsque l’individu veut comprendre qui il est, lorsqu’il se tourne vers son intériorité, et cherche à savoir quelle place il occupe dans l’univers. Le premier degré reste la base sur laquelle ce travail se fait. La pratique se fait alors moins « physiquement » parlant, les postures, les souffles, les mudras, tout se tourne vers l’intérieur. Parfois, certains pratiquants commencent à sentir qu’il y a autre chose, sans trop savoir quoi ; ils sont intrigués, parce qu’ils ne définissent pas vraiment ce qu’est « cette autre chose » et que, cartésiens, ils n’ont pas forcément envie de mystique, de philosophie indienne ou de spiritualité. Alors, ils se questionnent. Pour certains, une porte s’ouvrira au fil du temps qui changera en profondeur leur vision d’eux-mêmes et du monde.
Peut-être alors rejoindront-ils le dernier groupe, celui du troisième degré, qui vient au yoga pour donner une praxis à son mysticisme déjà bien présent; ceux là sont en quête de quelque chose de plus vaste qu’eux qu’ils ne sont nullement sûrs de trouver un jour mais ils mènent cette quête jusqu’à leur dernier souffle. Ils ne renient bien sûr pas les bienfaits du premier degré, ni du second, ils l’intègrent à leur pratique, mais leur regard veut aller plus loin. C’est dans ce groupe que les obstacles sont plus nombreux que pour le premier ou le deuxième groupe, car pratiquant beaucoup, connaissant beaucoup de choses, consacrant une grande part de leur énergie et de leur temps au yoga, ils pensent précisément savoir mieux que les autres, jusqu’à se sentir parfois au dessus d’eux en quelque sorte, ce qui provoque parfois leur chute, malgré eux. Car certains deviennent intolérants aux pratiquants du premier et second groupe, « le bien être, la connaissance de soi, le yoga n’est pas là pour ça » affirment-ils, et peu à peu, ils deviennent sectaires, imposent leur vision du monde, érigent leur pratique en vérité absolu et finissent de la sorte par passer à côté d’eux-mêmes et du Soi, malgré leur volonté première à rejoindre l’absolu. Voilà comment une aspiration sincère peut dériver en fiasco total…
Excalibur, de John Boorman
Cette triade - les triades sont chères aux écoles nathas - est reprise d’une toute autre façon, dans l’ouvrage de Lilian Silburn, qui commente le Vijnana bhairava tantra ; elle y explique « les trois voies » qui font écho aux trois degrés de la quête du Graal.
Dans la première, voie de l’individu, l’homme qui pratique le yoga initie, fait seul avec lui-même si l’on peut dire, ou en tous cas le croit ; si l’énergie se réveille un peu et s’il est sensible à cela, il accèdera à la deuxième voie, celle où l’énergie prendra le relai et l’aidera en quelque sorte. Lilian donne précisément ce nom à cette seconde voie : la voie de l’énergie. Très souvent, il oscillera pendant un temps plus ou moins long entre la première et la seconde voie et parfois commencera à sentir poindre la troisième.
C’est la voie dite de « Shiva », celle dans laquelle le soi se fond au Soi, celle dans laquelle énergie et conscience sont en union ; il ne fera au début qu’effleurer cette troisième voie, en méditation par exemple, mais cela laissera en lui des empreintes profondes. Claude dirait alors que le saumon est remonté à sa source et cherche à ne plus faire qu’un avec elle.
Voilà comment le yoga s’adresse à tous, quelque soit l’endroit où il se trouve, ou son niveau de conscience. On peut donc dire cette pratique va de la simple gymnastique jusque « Au-delà du réel », pour reprendre le titre du film de Ken Russel dans lequel un scientifique remonte à l’origine de l’univers ;
Alors bien sûr, certains ne voudront ni philosophie, ni spiritualité, quand d’autres au contraire se lamenteront de voir le yoga réduit à une gymnastique pure. Certes, le yoga a été créé à une époque révolue, un âge d’or en quelque sorte, mais il s’adresse aujourd’hui dans le monde qui est le nôtre également aux trois groupes, sans distinction. L’individu est ensuite libre d’initier sa quête et comme les chevaliers d’orienter son existence vers un but, quel qu’il soit. Et sans doute nombreux sont ceux qui passeront d’un degré à un autre, d’un but à un autre, au fil du temps et de leur pratique. Il y aura des Yvain, des Gauvain, des Erec ou des Gareth, il y aura aussi des Perceval, des Lancelot, mais très peu de Galaad… mais au fond, qu’importe ? Car tôt ou tard, tout finira par finir pour recommencer.
D’après Lilian Silburn, André Padoux, Tara Mickael, Christian Tikhomiroff
Kundanlini : ce mot vient du sanskrit Kundala qui désigne un bijou en forme d’anneaux (boucle d’oreille ou bracelet) On dit qu’elle ressemble à un serpent qui repose à la base de la structure énergétique enroulée trois fois et demi sur elle-même, déversant tant qu’elle n’est pas éveillée son poison.
Le trésor de Kundalini est l’immortalité, d’où de nombreuses légendes sur le barratage par exemple de la mer de lait par les dieux pour l’obtenir, forçant le pauvre Siva à boire le poison qui est dans le même moment remué et menace de supprimer tout le monde ! Il en a gardé la gorge toute bleue !
Le serpent de connaissance et de sagesse, capable de passer du démon au divin – se retrouve dans de très nombreuses mythologies indiennes, Khmers ou autres sur le continent asiatique. Il suffit de se rappeler la légende du bouddha et du serpent aux quintuples capuchons qui après l’avoir menacé, le protège.
La Kundalini est l’énergie cosmique qui gît, latente, en chaque être humain. Elle ne peut véritablement surgir des profondeurs pour s’éveiller totalement, que dans le contexte d’une vie mystique, intense, ou graduellement les trois voies ont été atteintes puis traversées. La plupart du temps, elle dort, et tout le monde avec, mais à défaut de pouvoir l’éveiller totalement, on peut l’éveiller en partie : c’est déjà un immense bonheur ! Le hatha yoga est l’une des voies, mais ce n’est pas la seule.
Kundalini est une énergie consciente qui a deux aspects :
Pranique, elle anime et régit la vie de tout ce qui vit.
Sous son aspect virya, son énergie est d’une intensité indicible.
Ces deux aspects émanent eux mêmes de la vitalité profonde, Ojas, l’une des triades propres au système trika par exemple. L’énergie virya se retrouve dans toutes les ferveurs, qu’elles soient amoureuses, artistiques, ou mystiques. Pour traduire ce terme, il faut recourir à plusieurs mots : effort, enthousiasme, diligence, intensité. Virya est tout cela à la fois.
Dans le Kundalini Yoga, le but ultime est d’éveiller cette énergie ; mais que l’on ne s’y méprenne pas : on a fort peu de chance en tant que modeste pratiquant d’y parvenir. Les yogis qui consacrent leur vie à cette quête n’y parviennent d’ailleurs pas tous ; c’est dire que la belle endormie ne se laisse pas si facilement réveiller ! D’autant qu’elle ne se manifestera que si la pensée s’est évanouie et le cœur devenu pure vibration.
D’après Lilian Silburn, une vie mystique, vibrante, toute entière tournée vers cette quête, doit aussi prendre en compte le principe de la Grâce. Elle aurait souhaité développé beaucoup ce sujet dans son dernier ouvrage qui concerne le Tantraloka d’Abhinavagupta, mais est partie avant d’avoir entièrement terminé ce dernier projet, que André Padoux, un proche de Lilian, a achevé à sa place, sans savoir ce que Lilian Silburn avait dans la tête, et renonçant donc à s’exprimer sur cette question.
La littérature actuelle pullule de récits d’éveils spontanés, faisant croire que cela n’est pas du tout réservé à une petite élite. Notre monde actuel préfére aujourd’hui l’effet à l’effort – en ce sens, il va en courant contraire de l’énergie Virya !- Ces textes d’éveil spontané qui décrivent des mondes merveilleux trouvent nombres de lecteurs complaisants persuadés qu’il existe des recettes toutes faites pour éveiller kundalini, notamment par des pratiques sexuelles. Si tel était le cas, notre monde serait un vrai paradis, car les plus belles qualités d’amour, de lumière et de conscience seraient merveilleusement répandus et nous baignerons tous dans des vibrations subtiles et légères.
Hors il n’en est rien : la plupart du temps, les récits de « bonne volonté » prouvent simplement qu’il n’y a bien eu un éveil, mais un éveil partiel, car le véritable éveillé qui a transcendé ce monde n’a cure d’en faire un récit : à ce stade, les énergies du yogi s’étendent à l’univers entier… et il utilisera cette puissance sans que personne ne le sache, répandant sa lumière sans en faire de publicité.
Le yoga de la Kundalini, sans même conduire jusqu’à l’éveil de celle-ci, permet cependant bien souvent d’éveiller un peu les plus belles qualités de lumière et de cœur. Ce yoga permet aussi de découvrir les différentes voies et de passer d’une voie à une autre et parfois aussi de tâter de la troisième lorsque l’intuition mystique commence à s’éveiller un peu. Sans éveiller complètement Kundalini, le terrain est préparé, déblayé, purifié, permettant au pratiquant de goûter bien des joies. Car Ananda est l’essence même de Shiva…
Les trois voies sont :
La voie de l’individu : c’est le stade premier, celui dans lequel l’individu utilise sa volonté pour faire les choses, souvent avec difficulté ; mais si l’enthousiasme est là, tôt ou tard, il sentira la voie de l’énergie se manifester de temps à autre et peut-être même un jour se trouvera-t-il entièrement portée par elle…
Dans la voie de l’énergie, qui est le deuxième stade, celle-ci prend le relai, et l’individu conjugue ses efforts à l’Energie qui vibre à présent si intensément, que celle-ci à un moment donné agit à présent d’elle-même et « fait faire » à l’individu ; dans une pratique régulière de yoga, il n’est pas rare que l’on passe sans arrêt de l’une à l’autre des deux voies. Le jour où l’on prend conscience que « le faire se fait sans qu’on fasse tout en faisant » tandis que le mental s’est tu, est déjà d’une très grande jouissance.
La troisième voie, voie de Siva, est la voie divine où la volonté personnelle s’est coulée dans la volonté divine : à ce stade, il y a eu fusion totale et éveil total de Kundalini.
Mais, même sans atteindre cette troisième voie, il n’est pas rare là aussi que le pratiquant sente de temps à autre cette voie se manifester et s’ouvrir à lui dans sa pratique ou sa vie quotidienne ; c’est souvent fugace, toujours instable, mais juste magique.
« Concrètement », on peut dire que Kundalini qui est vibration, déploie l’univers en ondes successives, des plus subtils au plus grossières (ce qui est décrit dans un texte comme le Samkhya par exemple) ; avec l’éveil, la résorption se fait en sens inverse. C’est en se tenant au point d’équilibre des deux courants opposés que la dualité s’évanouit véritablement.
Kundalini, lovée dans le cakra de la base, ne donne à l’individu que ce qu’il lui faut chaque jour pour mener sa vie de pashu, c'est-à-dire d’individu asservi faisant partie du troupeau.
Quand elle s’éveille, elle monte de centre en centre, par le canal central. Encore faut-il que tout soit bien préparé, que le pratiquant ait correctement préparé Sushumna et purifié les principaux centres que sont les cakras. Il faut que la structure énergétique soit solide, et prête à cette ascension fulgurante.
Si par malheur celle-ci n’a pas été correctement préparée, et que l’apprenti-sorcier-yogi arrive tout de même à la réveiller, elle va se dresser mais ne pouvant être dirigée vers le canal central, elle brisera anarchiquement toute la structure énergétique, y causant des dommages irréparables aussi bien sur le plan psychique et mental que physique.