Suite du résumé du livre " la voie du Tantra"
Aujourd'hui, partie deux intitulée Art
Art
L’art tantrique - il serait d’ailleurs plus juste de parler d’iconographie pour toutes les représentations visuelles - est une métaphysique visuelle. La notion d’esthétisme participe du plan divin ; la vibration esthétique puissante est indissociable de la forme spirituelle. En langage plus simple, fond et forme ont autant d’importance l’un que l’autre et du tout naît le beau. Ce beau à vocation de :
- Restituer l’expérience de l’unité pour permettre une mise vibration du « spectateur » ; grâce à l’extase esthétique, si elle surgit, le spectateur ressentira peut être, au moins temporairement, cette unité.
Si l’on prend la danse, art et rituel se rejoignent et le danseur en se reliant au plan divin, agit sur le public un peu comme un yantra. Il permet au public de se relier à son tour, et donc d’entrer en contact avec la réalité transcendantale. Et là encore de ressentir l’unité.
- Soit de construire au fur et à mesure de la méditation cette expérience d’unité qui se révèle au fur et à mesure, le dessin accompagnant, reflétant et conduisant tout à la fois cette expérience.
Le yantra
C’est une pure configuration géométrique. Certains sont élaborés par étape au cours du processus de la méditation comme expliqué plus haut. D’autres servent de support, de guide pour la méditation.
Certains yantras représentent des divinités ; non pas que les Tantriques croient en tel ou tel dieu, non. C’est une façon de représenter symboliquement des qualités de l’ énergie via ces divinités.
D’autres yantras sont des modèles énergétiques du cosmos.
Comme pour le mantra, c’est à la vibration que s’intéressent les tantriques car c’est un principe cosmologique primordial, d’où proviennent toute structure et tout mouvement. Si nous pouvions passer derrière les apparences, nous verrions des structures statiques comme des modèles vibratoires. Ils révèlent différents degrés de la réalité qui implique le cosmos, l’infini, le temps, l’espace, le jeu de la polarité. Dès lors qu’on interprète l’infini en termes finis, on est obligés d’exprimer l’illimité de façon relative, en créant des modèles mathématiques d’espace virtuel.
Le point zéro/ Bindu
La représentation minimale de la conscience omnipénétrante est le point mathématique de dimension zéro, bindu, placé au centre du yantra.
Bindu est le degré ultime de puissance auquel une chose ou une énergie puisse être condensée. « Au-delà des tattvas est le Bindu »
Les autres formes :
Le cercle met en contact avec l’unité, le carré avec la qualité matérielle de la nature, le triangle avec toutes les triades qui sont au cœur de la pensée tantrique – mondes, gunas, tattvas, etc -,
Le triangle pointée vers le bas est Shakti et vers le haut Shiva, imbriqués, c’est l’union de Shiva/Shakti, réunit par leurs sommets, c’est le tambour destructeur de Shiva, ainsi de suite…
La projection du symbole est souvent directe, hardie de telle sorte que même une petite miniature peut ouvrir les portes de l’esprit.
Selon le TantraRaja tantra, il existe 960 yantras, dont le plus célèbre est le Sri Yantra qui a dû être conçu très anciennement et transmis à travers les siècles. Le Kamakalavilasa en a révélé la nature, la signification, la construction et l’application et l’on trouve également la description de sa structure dans le Saundaryalahari, traditionnellement attribué à Shankara.
C’est une figure formée par la rencontre de 9 triangles avec cinq tournés vers le bas et 4 vers le haut, centré autour du Bindu. Dans ce yantra s’inscrit la création, car ce point est la suprême Shakti qui croit et prend la forme d’un triangle, puis arrive la polarité puis deux points supplémentaires pour former une triade. C’est le désir originel dans le processus créateur, signe d’évolution, et qui représente le principe de la création.
A partir de là s’opére tout le processus créateur qui part du plan le plus subtil pour aller au plan vibratoire plus grossier, ces mots n’ayant aucune connotation péjorative puisqu’ils traduisent juste ce processus créateur.
Sont associés des lettres de l’alphabet sanskrit, puis d’autres figures découlent des 9 triangles et ainsi de suite jusqu’à décrire toute la création du cosmos.
Ce yantra comme la plupart des mantras – voir tous – a été élaboré à partir de révélation intérieure et non pas avec des calculs mathématiques.
Dans les traditions tibétaines, ce sont plutôt des mandalas qui jouent le rôle des yantras. Le disciple apprend à intérioriser lui aussi le mandala, chaque étape de l’intériorisation correspondant à une progression intérieure vers l’unité.
Corps subtil et sa représentation
Les centres énergétiques les plus importants sont représentés comme des lotus, dont la symbolique montre qu’avec l’éclosion la condition de base qui est ignorance et obscurité peut être dépassée dans un sublime déploiement d’énergie et de conscience.
Chaque centre énergétique a un certain nombre de pétale, le dernier étant le Saharasha, le lotus aux mille pétales.
Dans le cakra de la base, la Kundalini-Shakti endormie qui a fini son travail de création, dort sous la forme d’un serpent qui se mort la queue, enroulé trois fois et demi sur lui-même, autour d’un linga.
L’énergie qui irradie de ces centres est représentée par une spirale.
Quand à la pure conscience, elle est représentée dans l’absence de formes mais le champ est saturé de couleurs.
Cosmogrammes
Certaines représentations figurent les origines de l’univers, on trouve des cartes cosmologiques et astrologiques, on trouve aussi la représentation de l’homme cosmique, ou encore des diagrammes qui figurent Jambu-dvipa, le continent insulaire central dans le système cosmologique.
Concrètement, par exemple, l’univers est composé de trois zones, au centre desquelles figure le mythique Mont Meru, entouré par la terre, ou Jambu dvipa entouré lui-même par sept cercles. Au-delà du dernier cercle, on est dans le non-univers, Aloka. Par un dessin simple, le cosmogramme amène d’une façon fulgurante une notion abstraite qui résume la philosophie tantra.
Les dimensions symboliques du Purusha cosmique lui font atteindre les dimensions de l’univers, sous-tendant via cette représentation que ces possibilités sont inclus dans chaque être humain. Donc chaque être humain a la possibilité de réaliser le soi et de devenir l’univers et le non-univers.
Représentation de Prakriti
Les représentations de la « nature-énergie » sont parfois déroutantes, lorsqu’elles prennent les visages terrifiants de Kali par exemple ; là encore, il n’y a pas de croyance en une idée, mais simplement la représentation d’un concept via une personnification sous les traits d’une déité.
Kala veut dire fragmentation ; Kali est celle à qui tout est soumis, c'est-à-dire la destruction inexorable par le temps. Elle est souvent représentée en noir car « toutes les couleurs disparaissent dans le noir, de la même façon, tous les noms et les formes disparaissent en elle » ( Mahanirvana tantra). En regardant cette kali avec tous ces symboles, les illusions peuvent cesser en un instant et une compréhension profonde et intuitive faire naître comme un saisissement de compréhension immédiate qui va au-delà de l’effroi que peuvent provoquer ces images.
Cette nature-énergie a plusieurs représentations possibles, chacune symbolisant une forme de cette énergie. Ce ne sont pas des « entités séparées » mais la même avec des qualités différentes.
Quand aux sculptures érotiques de différents temples tantriques, elles parlent de l’union de Shiva avec sa Shakti, c'est-à-dire l’union de la conscience et de l’énergie.
La théorie du rasa :
Développée par Abhinavagupta au 10ème siècle, elle donne une clé pour comprendre les états de conscience impliqués par l’imagerie tantrique.
Rasa, c’est l’émotion la plus haute qui naît d’un « choc » esthétique liée à une compréhension intuitive, comme si une brèche se faisait dans la compréhension, par delà les sens et l’intellect pur.
Il y a cependant neuf rasas abstraits qui mettent en vibration différents gunas ( tamas, rajas, sattva)
Les temples et les tracés d’urbanisme ont aussi été influencés par les yantras et les mandalas, en se calquant sur les formes géométriques simples : triangle, carré, cercle
Selon les principes tantriques, les orientations des temples devait créer créer un microcosme à l’image du macrocosme.
temple des 64 yoginis