Qui est Mahakala ?
Mahākāla est un ce qu’on appelle en sanskrit un bahuvrihi qui est analysé de plusieurs façons différentes ; voici la première proposition
1) Il serait composé de mahā "grand " et kāla "fragment de temps ", dont le nom signifierait littéralement « grand temps » avec l’idée que ce temps est si « vaste » qu’il est infini et le dépasse ou bien se trouve comme en dehors de lui.
Kāla काल, en sanskrit est un espace de temps, une fragmentation de temps et aussi une unité de temps qui corresponde à 144 secondes.
2) La deuxième proposition est que son nom serait composé de Mahâ dont le sens ne change pas, mais cette fois-ci kâla signifie « noir ». Il devient en quelque sorte un proche parent de Kali la parèdre de Shiva, dite déesse noire (le I est féminin et le A est masculin) qui porte une couronne de crânes.
Dans cette optique, Mahâkalâ devient également un parent proche du dieu de la mort indien Yama.
Malgré les nuances qui changent au gré des traductions, il y a dans de nombreux textes l’idée forte, puissante, de grande rupture, de fragmentation, de mort. On dit aussi que Mahâkalâ est au final l’une des représentations de Shiva, de la grande conscience, et du Pralaya qui apporte la dissolution de tout ce qui a été construit. Au moment de la mort, Shiva vient prendre la vie de l’individu, mais c’est aussi le passeur. Il existe comme vide absolu d’où sa parenté avec Talucakra, ce cakra qui se trouve sous l’occiput et qui absorbe et dissout dans certaines techniques des vieux schémas, de vieilles énergies dans le vide.
Il a donc un double aspect, puisqu’il peut tout en prenant la vie, délivrer le mantra du passage.
Dans toutes les traditions, il y a des gardiens du seuil, du passage, et les connaître permet de pouvoir négocier avec yeux. Chez les Grecs, par exemple, Charron est aussi un passeur même si son rôle est différent et Cerbère est un gardien du seuil. La mort est également abondamment représentée. Au Moyen-âge, pendant la grande Peste, on la représentait avec une faux.
En yoga comme en yoga Nidra, ce qui est intéressant, c’est d’avoir soi-même sa propre représentation de la mort sans qu’elle soit absolument un homme ou une femme. Il est bon aussi pour travailler en yoga sur la mort, de permettre à cette représentation d’englober le pire comme le plus suave. Le but est de pouvoir s’habituer à l’idée de la mort et de pouvoir surmonter la peur qu’elle génère afin d' être plus serein le jour où elle viendra nous chercher.
On dit que Mahâkalâ est attiré de deux façons : soit par les êtres ordinaires qui respirent, soit par ceux qui sont sans air. Dans ce cas, s’il se présente sur des rétentions à vide, il n’y a pas obligation de nous emmener dans le monde des morts et on peut alors discuter avec lui. Il peut alors donner la connaissance de la vie dans la mort. C’est pour cela que dans certaines techniques de yoga ou yoga Nidra, on travaille des rétentions de souffle très puissantes à vide, afin de le voir apparaître, de surmonter sa peur, de s’habituer à lui et de pouvoir lui demander le mot de passe pour traverser une porte étroite. Ce peut être un moment douloureux de la vie, un deuil, une mue, puisque nos sociétés sont vides de toutes formes de rites aujourd’hui. Il permet alors de passer une porte étroite, gardée comme elles le sont toutes, par le gardien du seuil qu’il est lui-même.
Mais cela peut se faire aussi au moment de la mort, lors du râle de l’agonie, si l’on est prêt.
Nos sociétés sont dans une contradiction absolue en mettant la mort en scène à travers des reportages ou des films, et en même temps, vieillesses et morts sont occultées car nos sociétés sont tournées vers la quête de la jeunesse éternelle et de l’immortalité.
Le yoga permet d’aborder cette peur fondamentale qu’est la peur de la mort, dont découlent toutes les autres peurs, à travers Mahakala. Cela demande bien sûr de la maturité et une foi absolue en la vie et en soi-même, comme faisant partie d’un tout plus vaste.
Dans la série 13 de la formation de yoga nidra que je propose, de nombreuses techniques autour de mahakala et de la mort sont proposées. Cette série porte un nombre symbolique, celui de la transformation, et est proposée après la fin de la formation, car elle demande beaucoup de maturité pour faire face à la mort.
Dans son film le 7ème sceau, Ingmar Bergman met en scène