Très souvent, la posture de l’arbre est proposée pour « s’enraciner » ; c’est ce qui est le plus couramment dit. C’est normal, pense-t-on, l’arbre pour pousser vers le haut, doit d’abord s’enraciner, afin de puiser l’eau qui permettra sa croissance.
Mais dans les écoles tantriques, cette vision est largement dépassée par une autre : celle de la légèreté, de l’ouverture du cœur, de la disparition du corps physique pour laisser l’énergie s’unir à la conscience à travers la posture. Comme toujours dans ces écoles, la posture est le point de départ et non d’arrivée.
Pour prendre l’arbre, dit-on souvent encore, il faut pouvoir installer un équilibre et les premiers essais, chez certains, sont laborieux car il y a une sorte de lutte pour installer ce « fichu équilibre ». Mais cette lutte peut-être tout à fait évitée si la personne pense non pas à trouver son équilibre, mais plutôt à détendre son pied d’appui, puis en remontant le long de la cheville, à détendre celle-ci, puis son mollet, puis toute la jambe, tout en se concentrant sur le souffle qui va et vient dans l’axe (double énergétique de la colonne). Il n’y a alors aucune lutte, plutôt un sentiment de paix, de tranquillité, une bienveillance et d’état de recul qui s’installe peu à peu et naturellement au fur et à mesure que l’on remet la posture au programme. Dès les premières essais, ce sentiment se fera reconnaître, d'abord, quelques secondes seulement, puis avec la pratique, ce temps s'allongera de lui-même presque indéfiniment.
L’équilibre est une notion capitale des écoles tantriques car elle met en vibration le cakra du cœur : ce cakra est un espace privilégié en yoga : s’y trouve le sens du toucher, et pas seulement celui du contact des doigts avec l’extérieur mais un toucher immense, infini, qui peut embrasser tout l’univers car le cakra du coeur est aussi en lien avec la peau qui délimite l'individu et lui faire croire qu'il est séparé du tout, comme si on prenait dans un seau un peu d'eau de mer. Le seau est la peau qui délimite. Mais ce sentiment s'efface dans la posture de l'arbre. Dans le cakra du cœur, anahata, se trouve aussi l’un des trois grantis qui est celui de la personnalité qui peut libérer ou au contraire asservir l’individu. C’est également un immense carrefour ou se croisent tous les nadis et les vayus et enfin, le lieu supprême où peut s’opèrer la réalisation suprême car dans le coeur se trouve un autre centre subtil, hridaya. ( composé de : hrit- aya en sanskrit)
Avec de la pratique, il n’est souvent plus nécessaire de penser à trouver son équilibre dans cette posture car l’énergie, au bout de quelques mois ou année de pratique, prend le relai d’elle-même, et la posture tient « toute seule ». On passe alors de la voie de l’individu qui initie, qui fait, qui puise dans sa volonté personnelle, à celle de l’énergie qui prend les rennes et seconde l’individu qui n’a plus qu’à se laisser porter par elle. La voie de Shiva, celle dans laquelle la volonté cosmique fait à la place de l’individu, peut alors pointer son nez.
Il est tout à fait possible de faire toute sa pratique dans la posture de l’arbre et d’y rester tranquillement une heure ou deux, sans plus penser à son corps physique qui flotte et devient le creuset dans lequel souffle, énergie, conscience s’unissent. On pourra sans souci faire quelques postures, un mudra, un souffle, une concentration.
Il existe d’ailleurs beaucoup d’autres très belles méditations tantriques sur l’arbre qui est aussi utilisé dans le yoga thérapeutique.
On voit donc bien que la posture va au-delà de la recherche d’enracinement ou d’équilibre et qu’elle débouche, comme toujours dans ces écoles, sur quelque chose qui dépasse et englobe l’individu tout à la fois pour l’unir au tout.