Le corps subtil – le corps énergétique
Les gunas et les vayus
Faire du yoga implique un minimum de connaissance du macrocosme et microcosme car tout ce qui est dans l’un est dans l’autre. Postures, souffles, concentration ne trouvent leur raison d’être que si on sait pourquoi on les fait.
Nous présentons donc succinctement aujourd’hui une petite étude sur les gunas et la vayus qui opèrent dans la structure énergétique.
Pour la philosophie Hindoue, l’être humain appartient à l’univers ainsi que tout ce qui y existe et est régi par les mêmes lois. Cette philosophie conçoit une texture vibratoire originelle appelée Brahman, l’être, l’Absolu. C’est son « reflet » qui est présent en chaque être vivant, comme un soleil qui se refléterait dans des milliards de seaux d’eau. On l’appelle l’Atman, l’âme. Mais nous en reparlerons plus tard. A un moment donné, la texture vibratoire va vibrer si puissamment qu’un grand souffle va émerger et déployer l’univers : c’est le Big Bang, décrit avec d’autres noms par la philosophie hindoue
Cette texture vibratoire a deux aspects :
- Prakriti qu’on traduit souvent par « Nature » - mot qui prête cependant à confusion; on devrait plutôt traduire par texture vibratoire allant de la plus subtile à la plus grossière
- Purusha, l’Esprit, premier reflet de l’Absolu dans sa manifestation. Il est éternellement libre, inactif, Un.
Prakriti qui développe, déploie et actualise tout ce qu'il y a dans Purusha possède trois qualités fondamentales en équilibre est donc à l’origine du déploiement de l’univers et du jeu de la création comme si des bois de frictions avaient chauffé. Les trois qualités de Prakriti sont appelées Gunas.
LES GUNAS
- Tamas – c’est une énergie descendante, d’inertie, d’obscurité, d’immobilité; elle est surtout présente dans les deux centres du bas. Elle préside aussi au sommeil profond, vide de rêve, à la nuit. On lui associe la couleur noire. Elle est plus influente sur le corps physique. C’est d’elle que naît l’élément Terre.
- Rajas – le feu ; c’est une énergie horizontale, de mouvement : il est activité, désir, passion ; il crée les attachements. Il régit l’ego. Il est plutôt dans les centres du ventre et du pubis et on peut le trouver dans le cœur où il ne devrait en principe pas se trouver- Il préside à la digestion physique et psychique. On lui associe la couleur rouge.
- Sattva – c’est une énergie ascendante, de légèreté, de finesse, de lumière, d’équilibre, de clarté – on la trouve dans le centre d’énergie du cœur et de la gorge. Elle présente des affinités avec le mental. Sa couleur est le blanc.
Ces gunas font en permanence le jeu de la création et plus leurs vibrations sont lentes, plus la matière créée l’est aussi, donc nous dirons plus « grossière », plus "matérielle » plus « lourde » mais sans aucun jugement de valeur. Ce sont elles qui colorent en permanence les réactions mentales et font passer de l'apathie à l'excitation, de la torpeur à l'enthousiasme, de la somnolence à la calme contemplation, et ainsi de suite. Jamais de repos véritable, jamais d'équilibre véritable.
On trouve toujours les trois en absolument tout mais avec des proportions variées ; dans le monde minéral, tamas dominera, mais n’empêchera pas la présence d’un peu de rajas et de sattva, même chose pour tout ce qui existe y compris l’être humain chez qui rajas pousse à s’agiter, à faire, à être en mouvement, tandis que le monde est Dieux serait plutôt de nature sattvique.
Pour que l’être humain soit harmonieux, il faut que les trois gunas soient en équilibre en lui. A défaut d'obtenir une juste proportion au tiers, le yoga permet déjà de bien remettre les gunas à leur place... en tous cas, de limiter leur débordement, et de réguler leur action.
Un disfonctionnement de tamas va entraîner une grande force d’inertie, un besoin de dormir beaucoup, un rythme lent, un esprit lent. Trop de rajas, à l’opposé créera trop d’activité, voir un " sur-régime" jusqu’à ce que le feu ait tant brûlé que rajas se transformera en tamas. Du coup, après l’hyperactivité, c’est l’apathie totale. Peut – être avez-vous déjà observé chez vous ou chez les autres de grandes périodes d’activité faisant tout à coup place à une lassitude, une fatigue totales. Voilà, c’est le jeu des Gunas.
Trop de rajas rend l’être très actif, énergique, entreprenant mais aussi hargneux, égotique. D'où l'intérêt de l'équilibrage.
Il est aussi par exemple très important de les régler pour le sommeil :
- trop de tamas implique des heures et des heures de sommeil non réparateur; on sort juste du sommeil abruti, plongé dans la torpeur sans pouvoir s'en dégager.
- trop de rajas, une impossibilité à avoir des nuits paisibles, avec l’impression au réveil de n’avoir pas dormi.
- les nuits sattviques sont les plus douces car arriver à amener sattva au cœur du sommeil rend celui-ci léger, et plus clair, presque conscient.
- C’est le pranayama qui aide à l’équilibre dans le corps énergétique ; comme celui ci est contact permanent avec le corps physique grâce aux adharas et aux cakras et au corps mental, l'équilibre gagne les deux autres corps aussi.
Exemple : dans le centre du cœur doit se trouver sattva, la légèreté, la lumière. S’il y a trop de rajas : l’individu sera hargneux, et égotique et incapable de compassion.
Grâce à certaines techniques de souffles, il est possible d’aspirer le rajas du cœur pour le remettre dans le ventre.
LES VAYUS
Prakriti n’est pas composée que des 3 énergies citées, elle possède aussi des vayus - qu’on traduit par vent - qui assurent le bon fonctionnement et les échanges entre les différents corps. Sans eux, rien ne fonctionnerait. Les vayus, éléments mouvants, actifs, sont au nombre de cinq. Ils régissent chacun quelque chose de différent dans le corps.
Jean Varenne dit qu’on peut traduire Vayus par « génie » comme si ceux-ci opéraient directement dans le corps énergétique. Il dit aussi que mourir se dit en sanskrit « rendre au cinq ». Nous en reparlerons plus.
- Prana : c’est l’énergie nourricière, la force vitale, l’énergie cosmique qui se trouve dans tout le cosmos et dans l’être humain. Quand elle disparaît, le corps devient une coque vide, on la trouve dans l’eau, l’air, les aliments.
Les yogis veillent toujours à la qualité pranique de leur nourriture.
On dit même que lorsque les yogis sont devenus complètement sattviques, ils aspirent directement le prana des aliments dont ils ont besoin pour se nourrir, sans avoir besoin de manger l’aliment lui-même. D’où les grands mystères pour la science de ces êtres qui restent des mois sans manger en Inde ou ailleurs…
- Apana : en bas, dans muladhara, gudhadhara
Sa fonction est principalement de permettre l’élimination, et de faire descendre les énergies ; Le mot signifie « ce qui tire vers le bas »
Il est relation avec la terre
- Samana : assure la digestion physiologique, énergétique et mentale ; Samana est dans le ventre. Ainsi, quand il fonctionne bien, tout est bien digéré même intellectuellement, même émotionnellement.
- Udana : dans la gorge ; il joue un rôle de montée de l’énergie ; il est en affinité avec Kundalini ; et en rapport avec le souffle, car Udana subtilise le souffle. Grâce à lui, on passe d’un souffle grossier à un souffle énergétique pur.
- Vyana : partout dans le corps ; c’est lui qui distribue tout, et fait tout circuler comme un chef d’orchestre (physiologique et énergétique) il a son siège dans le pubis
Donc c’est important de rééquilibrer les trois éléments et les cinq qualités de l’énergie et c’est l’un des grands objectifs du yoga avec toutes ses techniques.
Ce qui vient vraiment permettre de régler ces vayus est tout le travail sur les grands mudras, tenus longtemps et avec cette conscience claire du travail en train de se faire. Voilà où viennent véritablement agir les mudras; mais nous en reparlerons.
Nous aurons l'occasion de reparler de tout cela dans d'autres articles, car en fonction des écoles, les explications peuvent légèrement différer.
Ce qui est sûr, c'est que la compréhension réelle de tout ceci ne commence vraiment que lorsque l'on pratique; et plus on pratique, plus on comprend, et ainsi de suite.
Ce qui prouve encore une fois que le yoga est le praxis d'une métaphysique qui englobe le Tout.
C’est tout l’étonnement du yoga, qui repose sur la pratique et la compréhension de celle-ci. Théorie, philosophie et pratique s’éclairent l’un l’autre en permanence, et plus on avance, plus les découvertes sont sublimes !